Les acteurs de l’industrie ont établi les moyens de faire face aux conditions du marché, tout en s’efforçant de se réinventer, contraintes par les réalités émergentes.
Mumbai, Inde – L’industrie indienne du diamant aborde le quatrième trimestre après avoir traversé des montagnes russes durant une grande partie de ces deux dernières années.
Les rebondissements ont été nombreux, tout comme les hauts et les bas. La crise la plus récente a eu lieu ces derniers mois.
Au cours de cette période, les stocks de diamants taillés ont augmenté, malgré une certaine amélioration de la demande de bijoux en diamants aux États-Unis. Les prix sont restés stables ou ont poursuivi leur baisse. La tendance variait selon les poids et les qualités.
« En juillet et août, nous avons assisté à une nouvelle vague de turbulences », a déclaré Vipul Shah, président du conseil du Gem & Jewellery Export Promotion Council (GJEPC) indien.
Bien que les crises précédentes aient déclenché une réponse coordonnée de l’industrie indienne, les sociétés sont aujourd’hui encouragées à tracer leur propre chemin.
« Nous soulignons depuis longtemps l’importance de l’auto-discipline dans de telles situations », a indiqué Vipul Shah.
Établir des feuilles de route individuelles
L’industrie a adopté diverses stratégies pour répondre aux conditions de marché actuelles.
Fin août, le géant de la taille de diamants Kiran Gems a imposé des vacances inédites de 10 jours à ses employés, à l’occasion du festival indien de Janmashtami.
D’autres sociétés ont fait de même, mais un grand nombre de structures, y compris de grandes entreprises, ont également poursuivi leurs activités quotidiennes sans imposer de fermeture.
Certaines ont déjà adopté des horaires décalés, des semaines de travail plus courtes ou des vacances prolongées.
D’autres ont adapté leurs opérations au fil du temps et se sont organisées pour résister aux périodes compliquées.
Venus Jewel est l’une d’entre elles.
Selon Devansh Shah, associé dans la société, Venus Jewel sait combien il est important de préserver la confiance de l’industrie, sans compromettre ses valeurs fondamentales.
« Nous avons anticipé l’évolution du marché et sommes en mesure de nous adapter aux conditions changeantes, en réagissant avec agilité et en ciblant nos objectifs », a-t-il expliqué.
Cela signifie, à l’heure actuelle, que nous devons cibler davantage le marché indien, qui est demeuré prospère, a-t-il noté.
Hari Krishna Exports a également affiné son mode de fonctionnement, notamment en développant un réseau pour sa marque de bijoux en diamants, Kisna, en Inde.
Malgré des conditions difficiles, la société a annoncé un programme d’incitations destiné à stimuler la productivité et à améliorer les compétences de ses artisans.
« L’opération a amélioré le moral des employés, en les encourageant à perfectionner leur savoir-faire, avec à la clé des récompenses pour leur dur labeur », a indiqué un porte-parole de la société.
Les dirigeants de l’industrie se sont également félicités des mesures engagées par les grands groupes miniers – De Beers Group, ALROSA et d’autres – en vue de réguler l’offre. Les derniers chiffres publiés par le GJEPC indiquent qu’en août, les importations de diamants bruts ont reculé de 49 % en valeur et de 54 % en volume (nombre de carats) en glissement annuel.
Les exportations de diamants taillés étaient, elles, en baisse de 20 % à 25 % en valeur et de 20 % à 22 % en volume en glissement annuel. Toutefois, en août, la valeur des exportations a progressé de 14 % par rapport à juillet, ce qui révèle une amélioration des conditions.
Des signes précurseurs qui doivent être soutenus
Russell Mehta, PDG de Rosy Blue India, considère que cette approche plurielle a contribué à stabiliser la situation à l’heure actuelle. Certes, la demande des États-Unis en fin d’année devrait être égale à celle de l’année dernière, mais la situation en Chine reste préoccupante.
« Le segment des petits diamants a été moins touché. En revanche, les marchandises certifiées ont subi un revers. Actuellement, des signes précurseurs apparaissent dans certaines catégories », a-t-il affirmé, ce qui signifie que des signes de reprise apparaissent.
« Ces aspects devront être soigneusement soutenus à l’avenir. Il est probable également que la fermeture annuelle pour Diwali [fin octobre/début novembre] soit plus longue qu’à l’ordinaire cette année », a poursuivi Russell Mehta. Et d’ajouter : « Tous les yeux seront rivés sur le premier trimestre 2025. »
D. Navinchandra Jewels, qui exporte des bijoux en diamants vers l’Amérique du Nord, a également fait état de tendances mitigées, même si la société s’attend à ce que la demande américaine reste stable cette année.
Selon la société, les bijoux sertis de petits diamants (de 0,20 carat et moins en puretés SI1 et moins), qui sont des articles de valeur relativement faible, n’ont subi aucune fluctuation de prix majeure depuis 18 mois. Dans le segment haut-de-gamme, le marché de niche pour les bijoux sertis de grosses pierres (de plus de 5 carats) reste également stable. Or, dans le segment intermédiaire, celui des bijoux sertis de petits diamants (0,20 carat et moins) de qualité supérieure (SI1 et plus), et des bijoux sertis de marchandises certifiées (de 0,30 carat à 5 carats), les prix ont connu une volatilité supérieure qui risque de perdurer.
Punit Mehta, associé et PDG de D. Navinchandra Jewels, a déclaré : « Aujourd’hui, alors que les détaillants américains se réapprovisionnent pour la saison à venir, la demande est faible mais stable. »
« Leurs stocks de bijoux en diamants naturels sont désormais moins volumineux et leurs achats se limitent au strict nécessaire. Le principal objectif semble être de maintenir de faibles niveaux de stocks dans tous les segments de l’industrie pour la plupart des acteurs qui souhaitent protéger leur résultat financier. »
Des perspectives à plus long terme
Vipul Shah, président du GJEPC, a rappelé que les mesures permettant d’auto-réguler l’offre du secteur doivent être combinées à des campagnes visant à renforcer la demande des consommateurs.
« Le GJEPC formule des plans pour atteindre ces objectifs sur les principaux marchés, en collaboration avec d’autres parties prenantes, comme le Natural Diamond Council et les grands détaillants. Nous espérons déployer prochainement des promotions ajustées à l’occasion des grandes saisons de chacun de ces marchés. »
Nombreux sont ceux qui considèrent qu’il est nécessaire d’aller au-delà des mesures à court terme et de planifier l’avenir.
« Dans l’industrie, des regroupements sont possibles, même si chaque entreprise va devoir « ajuster la taille » de ses opérations à des niveaux optimum. » Russell Mehta, Rosy Blue
« L’industrie doit reconnaître les réalités du terrain », a déclaré Russell Mehta, de Rosy Blue.
Il envisage l’émergence d’une « nouvelle normalité », qui verra le marché des diamants taillés évoluer aux niveaux actuels dans les années à venir.
« La filière va devoir apprendre à gérer cette situation, et ne plus être tentée de réagir aux fluctuations rapides », a-t-il déclaré.
« Au niveau de l’industrie, des regroupements sont possibles, même si chaque entreprise va devoir « ajuster la taille » de ses opérations à des niveaux optimum pour conserver une marge de manœuvre face à des scénarios inattendus. »
Des signes montrent que ces processus à plus long terme sont déjà en place en raison des changements en cours, même s’il faudra certainement plusieurs années avant d’atteindre un équilibre stable.
Les exportations de diamants taillés de l’Inde restent de 20 % à 30 % inférieures à celles des sommets atteints avant la période de Covid-19 et un retour à de tels niveaux semble de plus en plus improbable.
Les nouveaux investissements dans les opérations de taille ont atteint un plateau ces dernières années.
Parallèlement, l’infrastructure et la main-d’œuvre qui ont dû être sacrifiées en raison du ralentissement ont été redéployées dans le secteur des diamants synthétiques en rapide expansion.
Il est évident que l’industrie est en train de se réorienter. Le processus devrait sembler plus organisé lorsque le groupe de travail, proposé et soutenu par le gouvernement pour discuter des mesures de politique et d’autres initiatives, prendra forme.
La dynamique de l’offre
La vente en cours de De Beers aura elle aussi, presque certainement, des répercussions sur l’avenir de l’industrie du diamant.
Actuellement, la plupart des diamantaires indiens adoptent une approche attentiste.
Selon eux, ce changement de propriétaire n’aura pas d’effet sur les opérations minières à court terme, même si les nouveaux investissements et l’expansion pourraient bien rester en suspens pendant un certain temps.
Pourtant, si les diamants bruts peuvent être extraits et vendus de manière rentable, le nouveau propriétaire, quel qu’il soit, trouvera certainement des façons de lever les capitaux nécessaires, ont-ils souligné.
Russell Mehta conseille également de surveiller la hausse prévue de l’attribution des diamants bruts du Botswana à la société gouvernementale Okavango Diamond Co., qui passera de 30 % à 50 % de la production totale sur 10 ans.
La hausse des attributions est l’une des conditions du nouvel accord commercial de 10 ans conclu entre le gouvernement du Botswana et De Beers Group en juillet dernier mais qui, à l’heure où nous publions, n’a pas encore été officiellement finalisé.
« Une société d’État peut afficher des objectifs sociaux plus vastes, contrairement à une entreprise privée qui doit optimiser la valeur pour ses actionnaires », a-t-il déclaré.
« Le mode de distribution de ces diamants bruts – via des attributions fixes aux clients de long terme ou via des enchères –, les prix de vente et la part qu’atteindront les ventes mondiales par rapport à la valorisation sont autant de facteurs qui pourraient affecter la filière. »