Van Cleef & Arpels dévoile sa Collection dans un livre patrimoine

Isabelle Hossenlopp

Pour Van Cleef & Arpels, enrichir et mettre en valeur son patrimoine a toujours été une mission essentielle. Dans un livre magistral qui vient de sortir « La Collection Van Cleef & Arpels (1906-1953)» la Maison présente les trésors de son héritage. Un second tome, à venir, dévoilera la période 1954-2000.

La Collection patrimoniale de Van Cleef & Arpels naît au début des années 1970, lorsque Jacques Arpels commence à racheter des pièces anciennes, emblématiques du style de la Maison, avec la volonté de laisser un témoignage aux générations futures. Toutes sont choisies en suivant une politique d’acquisition rigoureuse ne retenant que les œuvres originales. Les archives sont donc essentielles : la consultation préalable des dessins, dépôts de création, pancartes-produits, livres d’ordre de fabrication et de commandes spéciales conditionnent cette sélection. Van Cleef & Arpels a voulu sa Collection vivante, avec un angle didactique. Depuis le milieu des années 1980, des expositions patrimoniales présentent au public cet ensemble au sein d’institutions muséales de renom et de boutiques de la Maison. La Galerie du Patrimoine, rattachée à la boutique de la place Vendôme, en est un exemple mais il n’est pas le seul.

Une « cartographie » du temps joaillier

Le tome I de ce vaste ouvrage dessine une véritable « cartographie » de la Collection en mettant en lumière son répertoire de formes, ses variations stylistiques, ses innovations joaillières, son sens de l’inventivité et de la réinterprétation. Livre d’art, d’histoire, mais aussi ouvrage de référence dans le domaine des arts joailliers, l’ouvrage inscrit l’œuvre de la Maison dans la grande histoire des arts.

« Il a été conçu dans l’esprit d’un catalogue raisonné, à savoir l’inventaire le plus complet possible de l’œuvre d’un artiste », déclarait Nicolas Bos (précédent CEO de la Maison, maintenant à la tête du groupe Richemont).

Le tome I commence en 1906, année de fondation de Van Cleef & Arpels pour se terminer en 1954, année charnière qui vit naître le concept de « la Boutique », ouvrant les collections vers une clientèle plus jeune, moins statutaire, adepte d’un style plus personnalisé, orienté vers  les pierres ornementales et le travail de l’or.

Clip Chat malicieux, 2007 Modèle similaire à celui de 1953 Platine, or jaune, émeraude, rubis, onyx et diamant Collection Van Cleef & Arpels © Van Cleef & Arpels SA

Le rêve et la science

L’écriture de cet ouvrage de 670 pages qui se veut exhaustif relève d’une démarche quasi scientifique, à la frontière entre l’émotion devant la beauté et une recherche très méthodique. Si les archives Van Cleef & Arpels constituent une source inépuisable d’informations, d’autres fonds, en France notamment, ont été consultés : centres de documentation, archives municipales, bibliothèques ou encore musées. Le livre comprend un corpus de textes scientifiques, écrits par des historiens de l’art et les responsables du département Patrimoine de la Maison mais offre aussi de précieux éléments sur l’histoire et l’évolution de la société, les changements des modes qui redessinent les bijoux et inventent de nouveaux portés, les guerres et les crises qui créent des ruptures de fortunes et appellent de nouveaux clients auxquels les joailliers doivent s’adapter.  

3 chapitres, 3 époques

Dans un premier volume consacré à la période comprise entre 1906 et 1953, près de 700 bijoux, objets précieux et pièces d’horlogerie, et 200 documents d’archives sont rigoureusement examinés sous le prisme du contexte historique, artistique et culturel de leur réalisation : la première moitié du XXe siècle.

  • Chapitre 1. L’essor créatif (1906 – 1925)

La Maison Van Cleef & Arpels s’installe place Vendôme en 1906 et se développe rapidement grâce à l’essor économique qui précède la première guerre mondiale. Les perles et les diamants sont alors à la mode et la Maison réalise également des objets précieux tels que poudriers, nécessaires, boîtes à cigarettes. Pour accompagner une croissance qui ne semble pas freinée par la guerre, la Maison noue des partenariats avec des ateliers de renom tels que Rubel (lapidairerie et haute joaillerie), Langlois (objets), Lenfant (chainiste), Verger Frères (horlogerie)…

Ce premier chapitre s’achève en 1925. Année charnière dans l’histoire de l’art, celle-ci voit l’organisation à Paris de « l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes », évènement majeur dans la consécration du mouvement Art déco. Exemple probablement le plus éloquent de l’adhésion de Van Cleef & Arpels à ce mouvement, le bracelet Fleurs enlacées, roses rouges et blanches présente une typologie répandue au début des années 1920 : le bracelet bandeau.

Bracelet Fleurs enlacées, roses rouges et blanches, 1924 Platine, émeraudes, rubis, onyx, diamants et diamants jaunes Collection Van Cleef & Arpels
© Van Cleef & Arpels SA – 2023

Ce bracelet fait partie de l’ensemble présenté par la Maison à l’Exposition de 1925, évènement au cours duquel elle obtient un Grand Prix de joaillerie.

L’engouement pour la Chine et le Japon va également marquer les arts décoratifs à partir de 1920. Van Cleef crée des nécessaires où la femme range quelques petits objets qui lui sont indispensables. Ces boîtes admirablement ciselées et travaillées sont de petits objets d’art, révélant de très minutieux motifs émaillés, laqués, incrustés de nacre, de pierres et de diamant, inspirés de l’art de l’Extrême-Orient. Ils précèdent l’arrivée de la  Minaudière, emblématique de la Maison.

  • Chapitre 2. Une identité singulière (1926 – 1937)

Le deuxième chapitre de l’ouvrage s’intéresse à l’émulation créative inédite qui gagne la Maison au lendemain de l’Exposition de 1925. En 1926, Renée Puissant, fille d’Alfred et d’Esther, est nommée directrice artistique de Van Cleef & Arpels. Sous son impulsion, est encouragée la création de pièces au style original et unique, inscrites dans les évolutions stylistiques des arts décoratifs. La broche Cercle (1930), la Minaudière (1933), le bracelet Ludo (1934) ou encore la montre Cadenas (1935) témoignent de l’innovation et de l’audace dont fait preuve la Maison.

Minaudière, 1935 Platine, or jaune, laque et diamants Collection Van Cleef & Arpels© Van Cleef & Arpels SA – 2023

Broche Cercle, 1931 Platine, rubis et diamants Collection Van Cleef & Arpels
© Van Cleef & Arpels SA – 2023

Montre Cadenas, 1942 Or jaune et rubis Collection Van Cleef & Arpels
© Van Cleef & Arpels SA – 2023

Ces bijoux et objets sont encore aujourd’hui une signature très forte de l’identité stylistique du joaillier. L’influence Art déco bat son plein, comme le montrent les bijoux aux formes géométriques avec leurs aplats d’or très caractéristiques. En 1933, Van Cleef & Arpels dépose un brevet sur le fameux Serti Mystérieux, une autre signature majeure, devenue intemporelle, de la Maison. 

Clip Pivoine, 1937 Platine, or jaune, serti Mystérieux rubis, et diamants Ancienne collection de son Altesse royale la princesse Faiza d’Egypte Collection Van Cleef & Arpels © Van Cleef & Arpels SA – 2023

  • Chapitre 3. De Paris à New York (1938 – 1953)

La troisième partie de ce tome 1 débute avec l’expansion de la Maison outre-Atlantique. Succédant à l’Exposition universelle parisienne de 1937, la Foire internationale de New York de 1939 lui permet de préparer puis concrétiser la même année son introduction pérenne aux États-Unis. Van Cleef & Arpels y agrandira sa filiale dans les années 1940.

Si l’histoire qui lie le joaillier à l’univers de la danse remonte aux années 1920 à Paris (Louis Arpels est passionné de ballet et se rend souvent à l’Opéra), c’est en 1940 que naissent les premiers clips ballerine de la Maison, dans sa filiale de New York.

Clip Danseuse Paillettes, 1953 Platine, or jaune, or rose, or blanc et diamants Collection Van Cleef & Arpels © Van Cleef & Arpels SA – 2023

Parmi les innovations présentées à l’Exposition new-yorkaise de 1939 figurent les bijoux Passe-Partout. Audacieuse association entre le naturalisme floral traditionnel et la fonctionnalité moderniste, cette pièce renouvelle les codes stylistiques de la joaillerie. Breveté en 1938, le Passe-Partout, comme son nom l’indique, se caractérise par son caractère transformable.

Juste avant la guerre, une certaine insouciance éclaire encore un monde en sursis. De somptueuses parures voient le jour, typiques de la période « joaillerie blanche » (platine et diamant) qui est en vogue depuis les années 1920. Elles figurent parmi les plus beaux fleurons du patrimoine de de la Maison, comme la Collerette, sublime collier de lumière réalisé pour la reine Nazli d’Egypte.

Collerette, 1939 Platine, diamants Van Cleef & Arpels Collection © Van Cleef & Arpels SA

Les 2 tomes de l’ouvrage ne sont que la continuité, ou plutôt la pierre angulaire, de la mission que s’est fixée Van Cleef & Arpels : inviter le grand public à découvrir le patrimoine joaillier universel, appartenant à la Maison ou pas, à travers des initiatives permanentes. L’Ecole des Arts Joailliers, maintenant située dans l’Hôtel de Mercy-Argenteau, 16 bis Bd Montmartre et la Galerie du Patrimoine, place Vendôme, en sont un relais tangible.

« La Collection Van Cleef & Arpels (1906-1953) » édité par Atelier EXB

Trois versions : française, anglaise, chinoiseRelié, 21 x 28 cm – 678 pages700 œuvres, 200 documents d’archives – 220 €

A voir en ce moment à la Galerie du Patrimoine, place Vendôme : du 21 juin 2024 au 13 janvier 2025, l’exposition « Van Cleef & Arpels : promenade au cœur d’un jardin joaillier », thème emblématique de l’histoire, du style et de l’identité profonde de la Maison. 52 pièces et objets précieux appartenant à la Collection patrimoniale du joaillier sont présentés, dont certains n’ont encore jamais été montrés.

Broche Fleur, 1936 Platine, or jaune, or blanc, serti Mystérieux rubis et diamants Collection Van Cleef & Arpels © Van Cleef & Arpels SA – 2023