Non, les diamants synthétiques ne sont pas « exempts d’extraction »

Rob Bates

Cette année, la Federal Trade Commission (FTC) commencera à réviser ses Guides verts, qui fixent les règles relatives aux prétentions marketing à connotation environnementale.

Le Jewelers Vigilance Committee (JVC) a demandé à l’industrie des suggestions sur la façon dont les Guides verts doivent aborder la question des bijoux. (Le formulaire de suggestion du JVC est disponible ici).

Il s’agit d’une question qui a beau être relativement limitée – tout en étant irritante –, mais qui j’espère attirera l’attention.

La FTC ne devrait pas autoriser – ou devrait du moins encadrer strictement – des termes comme « exempt d’extraction » (mining-free), « créé sans exploitation minière » (creaed without mining) ou « pas d’extraction » (no mining). Ces qualificatifs sont souvent utilisés pour décrire les diamants synthétiques. On en trouve des exemples ici, ici, ici, ici et ici.

D’après ce que je comprends, la FTC évalue les prétentions et les descriptions en s’appuyant sur deux critères principaux. Tout d’abord, celles-ci doivent être vraies (cela va de soi). Deuxièmement, elles doivent clairement exprimer la nature du produit.

Ainsi, le terme diamants « hors sol » (aboveground diamonds) pourrait être techniquement précis mais les avocats de la FTC considèrent qu’il ne traduit pas correctement l’origine synthétique des diamants. (Après tout, certains diamants naturels sont aussi découverts au-dessus du sol.)

Un qualificatif comme « exempt d’extraction » répond au second critère : il indique clairement l’origine synthétique des diamants. Le problème est que les diamants synthétiques ne sont pas exempts d’extraction.

Le terme « exempt d’extraction » laisse entendre qu’aucune exploitation minière n’a eu lieu lors de la production. Mais très peu de produits dans ce monde peuvent être considérés comme vraiment étrangers à une forme d’extraction minière. L’iMac sur lequel je tape en est un bon exemple. Il faudra également des matériaux issus de l’extraction pour produire la technologie verte. Quoi que vous pensiez de l’exploitation minière – et c’est un secteur qui présente autant d’aspects positifs que négatifs –, les produits qui en sont issus nous servent au quotidien. Sans cela, nous ne ferions pas grand-chose.

La fabrication de diamants sous haute pression et haute température (HPHT) nécessite du graphite. Celle des diamants synthétiques par le procédé de dépôt chimique en phase vapeur (CVD) nécessite du méthane et de l’hydrogène de grande pureté. Le méthane provient généralement de l’extraction du pétrole, du gaz et du charbon.

« Le méthane est principalement issu du sol, explique David Hardy, créateur de Bringdiamonds.com, un fabricant de diamants. Tout comme le graphite… Même l’équipement utilisé contient des métaux, et ceux-ci ne sortent pas de nulle part non plus. »

Ryan Shearman, co-fondateur et directeur de l’alchimie chez Aether Diamonds, qui convertit le dioxyde de carbone capturé dans l’air en méthane pour créer des pierres synthétiques, affirme : « Il n’y a pas de vraie façon d’obtenir du méthane de façon responsable. Il provient soit de la production du pétrole brut, soit du fractionnement. »

Selon lui, de nouvelles façons de produire du méthane commencent à émerger – y compris à partir de sources biogéniques (comme les animaux de ferme) – mais il n’existe pas actuellement de chaîne d’approvisionnement à ce niveau.

Lorsque l’on consulte les nombreuses pages d’informations relatives aux diamants synthétiques sur Internet, ces questions sont rarement abordées. Pandora est l’une des rares sociétés qui en fait mention dans son rapport sur le développement durable des diamants synthétiques (uniquement disponible au téléchargement au format PDF) :

Pendant l’obtention des matières premières, l’impact social et environnemental des diamants synthétiques est associé à l’extraction de matières premières comme le gaz naturel et/ou le charbon destinés à la production de méthane et d’hydrogène de haute pureté. L’extraction de gaz naturel et de charbon peut entraîner des impacts sociaux et environnementaux inhérents importants.


Le gaz méthane de haute pureté est normalement produit à partir de gaz naturel liquéfié (GNL). Ainsi, l’acquisition de matière première commence dès l’extraction du gaz naturel.

En Europe, l’hydrogène est généralement produit à partir de gaz naturel, par le biais de reformage du méthane à la vapeur, tandis qu’en Chine, le plus gros pays producteur d’hydrogène au monde, il est principalement produit par gazéification du charbon à l’aide de houille.

Les producteurs affirment que les quantités utilisées de ces matériaux ne sont pas importantes.

« Les quantités utilisées sont très faibles et elles sont, à certains égards, bien moins importantes que l’énergie électrique utilisée », affirme David Hardy.

Le rapport de Pandora – qui, il faut le noter, a été parrainé par la société – affirme que les émissions requises pour obtenir ces matériaux « ne peuvent pas être totalement éliminées mais peuvent être compensées par des investissements dans des programmes de compensation carbone de qualité. » Il explique également « que les risques « attribuables » aux diamants synthétiques issus du processus CVD sont potentiellement minimes, étant donné que la part de l’industrie dans la production totale de gaz naturel (par rapport au méthane et à l’hydrogène de haute pureté) est négligeable. »

Je ne cherche pas à participer au débat fastidieux sur les qualités écologiques des diamants naturels face aux diamants synthétiques. On ne sait pas vraiment comment ces matériaux sont utilisés, car la plupart des producteurs sont propriétaires de leur technologie et ne fournissent quasiment jamais de chiffres concrets. Tout est question de terminologie.

Indépendamment de la quantité spécifique, on utilise bien des matériaux extraits pour créer à peu près tous les diamants synthétiques. Dire que ces pierres sont « exemptes d’extraction » ou « qu’aucune extraction » n’est impliquée dans leur création n’est tout simplement pas vrai. Il existe peut-être certaines exceptions, mais si l’extraction s’arrêtait demain, les diamants synthétiques disparaîtraient. Pourtant, des organes de presse respectés, comme Popular Science, reprennent eux aussi sans les questionner les assertions selon lesquelles les diamants synthétiques n’impliquent « absolument aucune extraction ».

On peut facilement faire appel à un vocabulaire qui soit tout aussi clair mais bien plus juste, par exemple en qualifiant les diamants synthétiques de « non extraits » ou de spécifier qu’il n’y a pas eu « d’extraction de diamant », plutôt que d’utiliser le terme générique « sans extraction ». Mais le problème ne s’arrête pas à une simple correction linguistique.

Les producteurs de diamants savent comment leurs produits sont créés. Ils savent qu’ils utilisent du méthane et d’où celui-ci provient, même si la plupart de leurs clients ne le savent pas. Pourtant, certains continuent de prétendre que leur produit est « exempt d’extraction » ou créé sans extraction minière.

Cela va au-delà d’un choix de mots malheureux. C’est une question de terminologie qui est possiblement trompeuse. C’est la raison pour laquelle elle ne devrait pas être autorisée.

« Je doute qu’il y ait beaucoup de choses que l’on puisse décrire comme exemptes d’extraction, affirme David Hardy. Il n’y a pas de solution miracle ou de “ balle d’argent ” (silver bullet) »

Et même l’argent miraculeux vient de la terre…

Source JCK Online