Au cours de la semaine du 20 février, Bruce Cleaver quittera son poste de PDG de De Beers après six années d’exercice. Son remplaçant, Al Cook, est un dirigeant du secteur de l’énergie.
À l’avenir, Bruce Cleaver occupera un poste de co-président du conseil de De Beers, aux côtés de Duncan Wanblad, PDG d’Anglo American, la société-mère de De Beers.
Avant que Bruce Cleaver ne quitte le poste de PDG, nous voulions nous entretenir avec lui à propos des temps forts de son mandat à la tête de la société et de sa vision pour l’avenir de l’industrie.
Cet entretien est divisé en deux parties. La seconde, qui sera publiée prochainement, reviendra sur les réalisations de Bruce Cleaver. Cette première partie aborde les événements actuels, notamment le contrat de De Beers avec le Botswana, les sanctions russes et les actualités de Forevermark et Lightbox.
Vous partez dans deux semaines. De Beers n’a toujours pas signé de nouveau contrat avec le Botswana. Il y a eu plusieurs prorogations. Pensez-vous que l’accord sera conclu avant votre départ ?
Non, je ne pense pas y assister en tant que PDG mais plus probablement au cours de mon mandat de co-président du conseil. Nous nous sommes tous mis en quatre à divers égards pour que tout soit terminé d’ici juin [à l’expiration de l’extension en cours] et je suis certain que ce sera le cas.
Continuerez-vous à participer aux négociations ou votre successeur prendra-t-il le relais ?
Nous avons mis cela au point, et je pense que le gouvernement en est satisfait : je continuerai à participer à la finalisation des négociations.
À propos de Forevermark, aussi bien Stephen Lussier, ancien PDG de Forevermark, que Charles Stanley, responsable de De Beers Brands en Amérique du Nord, se sont retirés. Les gens ne connaissent pas forcément le remplaçant de Stephen, Marc Jacheet, et la personne qui remplace actuellement Charles, Céline Assimon, est encore nouvelle. Le PDG de De Beers change, il est supervisé par le PDG d’Anglo American qui est également nouveau. Cela a engendré de nombreuses incertitudes pour la marque, notamment au regard de la nouvelle stratégie « One De Beers », sans compter les récents licenciements. Savez-vous ce qu’il adviendra de Forevermark ?
Il y a toujours des gens que le changement déstabilise. Charles s’est retiré et il était avec nous depuis longtemps. Il a réalisé un travail fabuleux sur une longue période.
Al a toujours été très clair : il ne prévoit pas d’engager une révolution mais parle plutôt d’évolution. Et je suppose que le fait que je sois toujours là en qualité de président rassurera tout le monde : nous n’entamerons aucun changement majeur dans la ligne de conduite de l’entreprise. Je ne prévois aucun bouleversement de la stratégie. Et comme Stephen continue à travailler au Natural Diamond Council, il reste aux côtés de De Beers. Bien sûr, Paul Rowley, qui est vice-président exécutif du négoce de diamants chez De Beers, est toujours très présent. Je sais que les gens sont toujours déstabilisés pendant les périodes de changement, mais elles sont nécessaires et les entreprises ont une longévité supérieure à celle des individus. Je ne crains aucune perturbation majeure.
Lightbox a également un nouveau PDG, Antoine Borde, qui a plus d’expérience dans la relation avec les consommateurs que son prédécesseur. Pensez-vous que cette activité va se développer ?
Antoine s’occupera de Lightbox et décidera de l’opportunité de développer l’activité ou pas. L’entreprise a connu de bons résultats. Elle a toujours respecté les engagements de son mandat initial, à savoir aider à faire la différence entre diamants synthétiques et diamants naturels.
Steve Coe, l’ancien PDG, était issu du monde de la production. Il a pu régler les problèmes de production et cette activité se déroule maintenant tout à fait correctement en Oregon, il avait donc le sentiment d’avoir rempli sa mission. Nous avons trouvé une personne ayant d’excellentes compétences en marketing pour occuper le poste de PDG. Il s’agit d’une évolution naturelle. Lightbox maintient ses bons résultats, à l’aune de ses propres paramètres. Et si nous estimons que l’activité doit être développée, je suppose que nous le ferons. Une fois de plus, cette décision revient à Antoine. Mais je n’imagine pas qu’il y aura un changement de stratégie en profondeur.
Si nous développons vraiment Lightbox, je vous assure que ce sera sur la base de ce qui se fait actuellement. Évidemment, nous œuvrons davantage pour la commercialisation des diamants naturels mais nous prévoyons de consacrer un montant important des revenus du marketing à Lightbox. Il s’agit de questions auxquelles nous réfléchissons, des questions légitimes, quand on pense à l’avenir.
Vous avez déclaré vouloir être un co-président actif. À quoi cela ressemble-t-il exactement ?
Je vais mettre cela au point avec Al qui est souvent présent dans les bureaux et lui demander quelle est la meilleure chose que je puisse faire pour l’aider ? Je pense que je vais passer un peu plus de temps dans des missions à l’extérieur. Être PDG de De Beers est très prenant et très complexe et il est difficile d’être présent à chaque événement. Je ne me suis pas rendu à tous les salons que je voulais visiter. Je vais toujours à Las Vegas mais je ne suis pas allé aux autres. Je n’ai pas fréquenté certains marchés aussi souvent que j’aurais voulu pour passer du temps dans l’industrie, m’assurer de l’influence que pouvait avoir mon avis.
Bien entendu, je ne m’impliquerai dans aucune activité de direction mais, en tant que co-président, je continuerai à m’assurer que la stratégie convienne toujours au conseil d’administration et que l’équipe l’applique à la lettre. Nous verrons ce que cela implique au fur et à mesure de notre avancement mais j’entends bien rester en contact avec le marché. Vous devriez donc me voir un peu plus souvent.
L’industrie diamantaire est connue pour son mode de fonctionnement, basé sur les relations. Pensez-vous qu’Al puisse maintenir les relations relativement bonnes qui existent actuellement entre De Beers et ses clients ?
Comme je l’ai dit, j’ai participé à tout le processus de recrutement d’Al. On le voit sur son CV, il dispose des compétences nécessaires, des méthodes adaptées et de l’humilité qui convient pour rencontrer les clients et travailler correctement avec eux. Et je me suis engagé auprès du conseil d’administration pour que Paul et moi voyagions avec Al partout dans le monde pour le présenter aux clients. Il ne s’agit donc pas d’une transition au cours de laquelle le sortant disparaît purement et simplement.
Je m’assurerai, en ma qualité de président du conseil, que nos clients partout dans le monde puissent rencontrer Al et passer du temps avec lui. Je suis certain qu’il s’en sortira bien. Paul évolue dans ce milieu depuis un bon moment et il entretient de très bonnes relations avec les clients.
On a beaucoup dit que le gouvernement américain veut plus de traçabilité pour qu’aucune marchandise russe n’entre aux États-Unis. Le système de suivi Tracr pourra-t-il l’aider à ce niveau ?
Tracr est presque prêt. Près de la moitié de nos marchandises y sont enregistrées. Nous continuerons à en parler en 2023. Si l’on constate une accélération importante des sanctions – et je sais que ce sujet est en cours de discussion et j’ai vu ce que vous avez écrit –, cela permettrait d’accélérer le processus.
Lorsque nous avons lancé le sujet il y a quatre ans, je ne pense pas que nous ayons été particulièrement clairvoyants – nous avons juste compris qu’il était nécessaire de pouvoir présenter aux clients une histoire cohérente et tester un système meilleur que les autres. Nous allons donc devoir accélérer encore. Mais nous travaillons actuellement à enregistrer autant de marchandises que possible sur Tracr.
Comme pour toutes les nouveautés, cela n’a pas toujours été facile mais je pense que nous avons réalisé de formidables progrès ces derniers mois.
Lorsque vous vous entretenez avec Al en tête à tête, quelles sont les plus grandes difficultés que vous lui annoncez ?
Je préfère parler d’opportunités. Il y a des difficultés mais nous devons travailler pour renforcer la demande des consommateurs. Nous ne devons jamais relâcher notre attention. Nous allons devoir trouver des façons de collaborer avec d’autres pour agir au niveau générique. Du point de vue du branding, je suis convaincu que les marques offrent une formidable opportunité, aujourd’hui encore davantage que lorsque nous avons lancé ce processus.
La technologie va accélérer dans la filière intermédiaire. Nous avons deux ou trois choses vraiment intéressantes en cours et qui devraient permettre de progresser fortement.
Je n’ai pas peur de voir disparaître la demande sous-jacente pour les diamants naturels. Je pense que les gens continuent d’être vraiment attirés par eux. Mais nous devons affronter de nombreuses difficultés, et profiter des opportunités qui existent.
Dans la deuxième partie, Bruce Cleaver explique pourquoi la décision de De Beers de lancer Lightbox a été la « chose la plus effrayante » qu’il ait jamais faite.