Jeudi 24 février, le Trésor américain a annoncé une longue liste de sanctions contre la Russie, certaines visant le minier d’État ALROSA et son PDG, Sergey S. Ivanov.
Les nouvelles règles n’interdisent pas aux sociétés américaines de faire des affaires avec ALROSA. En revanche, l’ordre exécutif du président Biden leur interdit de prendre part à des transactions avec le minier coté en bourse, « impliquant un nouvel endettement ayant une maturité supérieure à 14 jours ou un capital-actions. »
Même si ces mesures constituent une tentative pour limiter la capacité d’ALROSA de lever des fonds américains, elles pourraient avoir des effets sur d’autres transactions, explique une alerte du Jewelers Vigilance Committee (JVC) à destination de ses membres.
Le Trésor américain définit l’« endettement » comme « des obligations, prêts, extensions de crédit, garanties de prêt, lettres de crédit, lettres de change, acceptations bancaires, notes ou billets à escompte ou billets de trésorerie » et le « capital-actions » comme « des actions, émission d’actions, certificats de dépôt ou tout autre preuve de titre ou de propriété. »
Cette définition de l’endettement pourrait signer l’interdiction de certaines transactions avec ALROSA ou ses filiales, y compris des accords en consignation, a déclaré le JVC.
Un porte-parole d’ALROSA a affirmé au JCK par e-mail que la société ne vend pas ses diamants en consignation et qu’elle a l’intention de mener son activité comme à l’ordinaire.
« Nous étudions attentivement les nouvelles conditions de travail en lien avec les sanctions imposées, a expliqué le porte-parole. Nous faisons de notre mieux pour garantir l’intégrité de nos opérations, activités commerciales et interactions avec nos clients, y compris pour notre bureau américain. »
L’alerte du JVC conseillait aux sociétés de se montrer extrêmement prudentes dans l’environnement actuel.
« N’importe quelle entreprise américaine qui traite actuellement avec ALROSA ou ALROSA USA devra se pencher sur le statut de chaque transaction et s’assurer qu’elle n’enfreint pas les sanctions », a-t-elle indiqué.
Comme un certain nombre de banques russes ont été sanctionnées, le document avertit également : « Les entreprises doivent se montrer prudentes et consulter la liste des organismes objet de sanctions avant de procéder à toute transaction. »
Le JVC ajoute que cet ordre ne s’applique pas aux marchandises acquises auprès d’ALROSA avant le 24 février, lesquelles peuvent être négociées comme à l’ordinaire. Toutefois, il recommande aux entreprises de tenir des rapports signalant les cas d’acquisition de marchandises d’origine russe.
En plus des nouvelles mesures contre ALROSA, Sergey S. Ivanov (également appelé Sergey Ivanov Jr.), le PDG de la société, a été intégré à la liste des nationaux spécifiquement désignés (SDN), établie par le Bureau du contrôle des avoirs étrangers (OFAC). Cela signifie qu’il ne peut pas conclure d’affaires aux États-Unis ou avec des citoyens américains et que tout actif américain qu’il détient sera saisi.
ALROSA affirme que cette mesure n’aura pas d’effet. « Sergey Ivanov n’a jamais possédé d’actifs à l’étranger », a déclaré le minier.
Le JVC avertit qu’il faudra peut-être considérer cette désignation comme un signal d’alarme à l’égard de futures actions.
« Lorsqu’une entreprise elle-même ne figure pas sur la liste de l’OFAC mais qu’elle est contrôlée par une personne bloquée, l’OFAC exhorte à la prudence pour toute transaction envisagée avec cette entité. En effet, celle-ci pourrait être soumise à de futures désignations ou actions de répression, ajoute l’alerte pour ses membres. L’OFAC recommande la prudence dans les négociations avec ce genre d’entités non bloquées et de vérifier que l’on ne traite pas avec une personne bloquée représentant l’entité non bloquée, par exemple en concluant un contrat signé par ladite personne bloquée. »
Le conseil adjoint du JVC, Sara Yood, considère que, tant que cette situation n’est pas résolue, « il serait prudent de limiter les activités avec ALROSA. »
La désignation de Sergey Ivanov fait partie d’un effort plus vaste pour cibler les membres des familles du cercle proche du président russe Vladimir Poutine. Le père de Sergey Ivanov, l’ancien premier ministre adjoint russe Sergey B. Ivanov, est sous sanctions américaines depuis 2014.
ALROSA, le plus grand minier de diamants au monde en volume, appartient pour 33% à la Fédération de Russie et pour 33 % au gouvernement de la République de Sakha (Yakoutie). Le reste est négocié en bourse. La société a refusé de commenter la situation.
Un autre producteur de diamants russe, Grib, appartient à VTB Bank qui a également été sanctionnée. La société était injoignable pour apporter ses commentaires.
Les sanctions américaines sont une tentative pour paralyser le secteur financier russe, en réponse à son invasion de l’Ukraine. Des rapports affirment que l’Union européenne envisage des mesures similaires.
Tom Neys, porte-parole du Antwerp World Diamond Centre, le groupe de coordination belge, affirme qu’il étudie la façon dont la situation va évoluer mais que, pour le moment, rien n’a changé dans le centre de négoce de diamants.
« Nous suivons la situation jour par jour mais nous espérons en priorité que le conflit prenne bientôt fin », explique-t-il.
Il affirme que l’offre de marché est actuellement satisfaisante mais que, « si le conflit durait trop longtemps, cela pourrait changer. Les diamants russes sont de très bonne qualité et, à la fin d’année dernière, une grande partie des stocks avait été épuisée. »
Si la Russie est éjectée du système de paiement SWIFT, comme certains l’ont demandé, « cela pourrait poser un gros problème », explique-t-il.
Une foire aux questions du Trésor américain relative aux sanctions est disponible ici. Pour plus d’informations, le JVC recommande de contacter la ligne d’assistance de l’OFAC au +1 800 540 6322 ou le JVC à l’adresse e-mail : info@jvclegal.org.