L’industrie diamantaire doit considérablement accroître ses dépenses marketing afin d’assurer la longévité du marché. Cette nécessité apparaît évidente lorsque l’on observe les conditions difficiles que le secteur connaît depuis quelques années.[:]
Les récentes difficultés ont provoqué un manque de confiance dans le marché diamantaire, ayant lui-même entraîné un flux apparemment sans fin de manquements financiers de la part d’une minorité de commerçants malintentionnés. Nos représentants commerciaux doivent mettre en place des mesures strictes pour lutter contre ces manquements.
Et surtout, le goût des consommateurs pour notre produit ne décolle pas, dans un marché difficile, tandis que l’absence de marketing et d’innovation a eu un impact encore plus négatif sur la demande. Nous devons travailler ensemble à rétablir l’attrait de notre produit chez les consommateurs.
L’industrie diamantaire existe grâce à la percée marketing qu’a réalisée De Beers avec ses emblématiques campagnes « A Diamond is Forever », qui se sont ancrées dans la mémoire collective.
Ce n’est donc pas un hasard si, tandis que le budget marketing de De Beers bondissait dans les années 90 et au début des années 2000, les dépenses des consommateurs américains triplaient pour les diamants. Les données du gouvernement montrent que les importations nettes de diamants vers les États-Unis ont progressé de 2,41 milliards de dollars en 1990, à 7,15 milliards de dollars en 2007, avant que De Beers n’enterre son marketing générique l’année suivante. À mesure que l’investissement dans le marketing générique a diminué, la demande a ralenti et les importations nettes vers les États-Unis ont chuté à 3,96 milliards de dollars en 2018.
Parallèlement, les prix du taillé ont régulièrement baissé et notre stock s’est déprécié d’environ 20 % ces 10 dernières années. L’indice RapNet (RAPI™) pour les diamants de 1 carat a perdu 48 % depuis ses plus hauts de la mi-2011.
Bien entendu, la dynamique de l’industrie a changé. La hausse de la concurrence aux deux extrémités de la chaîne d’approvisionnement, lors de l’extraction et à la vente au détail, a rendu tout à fait illogique pour des sociétés comme De Beers d’investir lourdement dans le marketing générique, puisque cela favorise des produits concurrents. Il est donc essentiel que tous les participants de l’industrie diamantaire apportent leur contribution à un marketing générique, à la manière d’une collectivité.
La contribution aux exportations
Nous devons réinventer la façon dont l’industrie aborde le marketing et par conséquent accroître considérablement notre budget. Lever les fonds nécessaires, de manière régulière, pourrait se faire en demandant une petite contribution sur toutes les exportations de diamants, laquelle serait destinée à faire la promotion du produit. Cela inclurait :
● Un prélèvement de 0,05 % sur toutes les exportations de diamants (bruts et taillés) par des pays ne pratiquant pas l’extraction. Cela représente à peine 50 dollars pour 100 000 dollars d’exportations. Si l’on tient compte uniquement des exportations de taillé des cinq principaux exportateurs (Inde, États-Unis, Hong Kong, Israël et Belgique), cela aurait rapporté environ 41 millions de dollars en 2018, d’après des données publiées par les gouvernements respectifs.
● Des frais de 0,5 % sur toutes les exportations de taillé et de 1 % sur les exportations de brut par les pays d’extraction, soit respectivement 500 dollars et 1 000 dollars pour 100 000 dollars de brut et de taillé exportés. Un prélèvement de 1 % des exportations de brut par les cinq premiers pays producteurs uniquement (Botswana, Russie, Canada, Afrique du Sud et Angola) représenterait 152,5 millions de dollars, d’après des statistiques du Kimberley Process en 2018.
● Un règlement de 2 % sur toutes les exportations par les sociétés d’extraction de diamants, ce qui représenterait 2 000 dollars pour 100 000 dollars de marchandises expédiées. Le total des ventes de cinq grands miniers (De Beers, ALROSA, Rio Tinto, Petra Diamonds et Mountain Province) aurait rapporté 228 millions de dollars pour le projet de fonds marketing l’année dernière.
Tout cela représente environ 421 millions de dollars, sur la base de ces paramètres uniquement. Le montant dépasserait facilement le demi-milliard de dollars si on l’étendait à tous les pays et toutes les sociétés. Cela constituerait une importante amélioration du budget actuellement apporté par sept sociétés minières à la Diamond Producers Association (DPA), chargée d’être le fer de lance du marketing générique. Ces contributions ne constitueraient pas un impôt, mais un investissement fort nécessaire.
Le coût de l’apathie
Le challenge peut paraître onéreux mais nous devons aussi tenir compte du prix de la passivité et du coût à supporter lorsqu’on laisse se produire des pertes de stocks. Un tel scénario serait bien plus coûteux à long terme et n’épargnerait personne – des petits négociants aux grands fabricants sans compter, bien sûr, les miniers, comme l’a récemment montré la récente baisse des ventes de brut.
Nous avons déjà perdu à nous tous des milliards de dollars, si l’on tient compte des énormes dévaluations de stocks subies depuis 2011. Et pourtant, les sociétés minières continuent de réaliser de bons bénéfices. ALROSA a réglé des dividendes record de 1,18 milliard de dollars à ses actionnaires en 2018, tandis que De Beers a rapporté des gains avant intérêts et impôts de 518 millions de dollars au premier semestre 2019.
Les bénéfices des sociétés minières s’obtiennent aux dépens des fabricants et des négociants, qui se retrouvent en difficulté. La dévaluation constante de nos diamants souligne les raisons pour lesquelles nous devons mettre nos ressources en commun afin de redynamiser l’éclat de notre produit, grâce à un marketing agressif. Ce n’est que justice que les sociétés minières aient à supporter la plus forte contribution.
De vrais ambassadeurs
Bien que certains miniers aient accru leur budget marketing ces dernières années, les fonds sont largement détournés vers la promotion de leurs propres marques de bijoux, ce qui finit par faire concurrence à leurs propres clients. Et même si les miniers ont financé la DPA afin qu’elle dirige l’effort marketing de l’industrie, le budget 2019 de l’organisation, avec 75 millions de dollars, est à peine suffisant.
Nous devons relever le budget, pour que nos efforts marketing touchent tous les marchés de consommation et exploitent tous les supports marketing. Cela inclut de sensibiliser le consommateur aux pratiques éthiques de notre industrie.
Le profil des consommateurs évolue et nous savons que la génération Y apprécie davantage les expériences que les produits. Toutefois, il reste de la demande pour les articles de luxe, si l’on considère les revenus record obtenus par des groupes comme LVMH, Richemont et Kering.
Et si on les compare aux performances de Signet Jewelers et d’autres sociétés qui vendent à davantage de consommateurs lambda, on constate l’inefficacité des efforts marketing de l’industrie. Le fait que le segment du luxe se développe mais que notre marché reste en retrait devrait nous alerter et nous amener à rajeunir l’image de notre produit.
Un marketing efficace lutterait également contre l’attrait des synthétiques qui se sont révélés être le plus gros perturbateur jamais vu dans l’industrie traditionnelle. Plutôt que de contrer l’attrait des synthétiques, nous devrions mettre en avant notre produit en soulignant la valeur intrinsèque des pierres naturelles.
Laisser un héritage
Cette nouvelle structure de prélèvements sur les exportations exigera de la World Federation of Diamond Bourses (WFDB) qu’elle assume un rôle de leader. L’organe commercial devrait superviser sa mise en œuvre afin de s’assurer que toutes les bourses y participent et profitent du programme. Les fonds devraient permettre à l’industrie de diffuser son message sur toutes les plates-formes et tous les marchés, complétant ainsi le travail actuellement effectué par la DPA.
D’après une étude de Gartner Research en 2019, les sociétés dépensent à peu près 11 % de leur chiffre d’affaires en marketing. Ces dépenses varient en fonction des industries. Mais si une industrie rencontre des difficultés, comme c’est le cas pour la nôtre, il faut certainement investir davantage. Une contribution minimale de toutes les parties prenantes apportera le résultat tant recherché.
L’industrie du diamant est unique. Mais pour garantir qu’elle dure sur le long terme, nous devons nous appuyer sur ce qui la rend si particulière. Nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers. Un faible pourcentage de nos exportations nous permettrait de nous assurer que nous laissons quelque chose à la prochaine génération de miniers, fabricants, négociants et joailliers bien disposés.
By Shashin Choksi & Siddharth Choksi
About the authors: Shashin Choksi, director of Swati Gems bvba, is a second-generation diamond merchant from Antwerp, with over 40 years of experience in the industry. Shashin is also a dedicated husband and father of three.
Siddharth Choksi holds a degree in business administration degree from IE Business School and currently works at a venture capital fund in Amsterdam. Since a young age he has undertaken a number of internships within the diamond and jewelry industry, gaining exposure to the various stages of the trade’s supply chain.