Les mythes à propos de l’industrie, et notamment chez les consommateurs, figurent parmi les plus difficiles à déboulonner. Ici, de grands experts corrigent certaines idées fausses qui circulent.[:]
Mythe : les clients ont un risque important d’acheter un diamant du conflit
Réalité : C’est peut-être le mythe le plus répandu de tous, celui de la question des diamants du conflit – ou des « diamants du sang » –, très ancré dans l’esprit du public.
« Notre industrie a beaucoup travaillé depuis la vaste campagne d’information qui s’est déroulée au cours des terribles guerres civiles de Sierra Leone et d’Angola dans les années 90 », explique Don Palmieri, le président du Gem Certification & Assurance Lab (GCAL). La part du marché mondial des diamants ayant financé ou facilité les conflits à l’époque reste encore sujet à débat, les estimations allant de moins de 1,5 % à 15 %. Mais depuis l’arrivée du système de certification du Kimberley Process (KP) et du système de garanties du World Diamond Council (WDC), plus de 99,8% des diamants mondiaux sont certifiés sans conflit, avec le soutien de 81 pays.
Ainsi, l’industrie est fortement autorégulée et plusieurs pays ont renforcé la réglementation appliquée par les gouvernements. Le Bureau diamantaire du gouvernement du Royaume-Uni, par exemple, travaille en étroite collaboration avec les Services de l’administration fiscale et des douanes (HMRC), la Commission européenne et des groupes civils engagés dans le combat contre les diamants illicites.
Des systèmes volontaires et d’autorégulation sont efficaces pour préserver la filière diamantaire, explique Ronnie VanderLinden, président de la Diamond Manufacturers & Importers Association of America (DMIA). Il évoque par exemple le protocole de garantie de l’origine des diamants développé par de grandes organisations américaines.
« Nous disposons de systèmes pour garantir que les professionnels aient des certitudes : leurs sources d’approvisionnement doivent être sans conflits. Il y a également ceux qui souscrivent au Responsible Jewellery Council, aux principes des meilleures pratiques de De Beers et au protocole d’approvisionnement responsable de Signet », ajoute-t-il.
Mythe : l’industrie diamantaire est un monopole
Réalité : « Les gens pensent que De Beers continue de contrôler le marché et les prix alors que cela n’a pas été le cas depuis des décennies, affirme Adonis Pouroulis, président du conseil de Petra Diamonds. Chez Petra, on continue à nous demander si nous vendons nos diamants à De Beers. »
Ce mythe est bien ancré dans l’histoire et remonte à la fin des années 80. À l’époque, De Beers contrôlait en effet plus de 90 % de la chaîne d’approvisionnement et était presque totalement responsable de la commercialisation des diamants, après avoir développé son fameux slogan « A Diamond is Forever » dans les années 40. Cela a également fait naître l’idée que De Beers avait « inventé » la bague de fiançailles en diamants alors qu’en fait, son premier exemplaire remonterait à 1477.
Dans les années 90, le marché s’est ouvert à de nouvelles sociétés d’extraction minière, défaisant l’emprise qu’avaient De Beers et ALROSA sur l’industrie et ouvrant la voie à une nouvelle vague de découvertes de diamants en Angola et au Canada, d’après Adonis Pouroulis.
David Johnson, responsable senior des communications commerciales et avec les médias chez De Beers, ajoute que la part de sa société « représentait environ 35 % de l’offre mondiale en valeur [en 2016], tandis qu’ALROSA fournissait près de 30 % de la valeur mondiale du brut. D’autres producteurs, comme Sodiam, Dominion Diamonds, Rio Tinto et Petra Diamonds, disposaient tous de parts importantes de l’offre en valeur en 2016. L’industrie comporte donc clairement toute une gamme de fournisseurs concurrents. »
Mythe : l’extraction minière exploite l’environnement, sans rien en retour
Réalité : « L’extraction minière des diamants est généralement moins dommageable pour l’environnement que d’autres types d’extraction car elle n’utilise que peu ou pas de produits chimiques, lesquels peuvent également être dangereux pour la santé du personnel », explique Tobias Kormind, directeur général de 77Diamonds.com, un grand détaillant européen.
Adonis Pouroulis ajoute que « l’extraction minière des diamants a généralement une empreinte plus petite car nos gisements de minerai sont verticaux, et pas horizontaux [et affectent donc moins les zones environnantes]. Dans le cas de Petra, nous avons établi des habitats protégés près de nos opérations, avec un total de 10 255 hectares, afin de préserver la faune et la flore. »
Pour de nombreuses sociétés, ces zones préservées sont plus vastes que l’exploitation elle-même. De Beers Group protège 164 000 hectares de terre, cinq fois plus que la zone perturbée par ses activités minières. De Beers est « également leader dans un projet de recherche révolutionnaire destiné à assurer une extraction neutre en carbone dans certaines de nos opérations, dans un délai de seulement cinq ans, explique David Johnson. Les scientifiques estiment que le potentiel de stockage du carbone des résidus de kimberlite produits chaque année par une mine diamantaire pourrait compenser jusqu’à 10 fois les émissions d’une mine ordinaire. »
En Australie, la mine Argyle de Rio Tinto tire plus de 92 % de ses besoins en électricité de la centrale hydroélectrique Ord Hydro. La société a également réduit sa consommation de diesel de 21 %. Dans l’ensemble, l’industrie engage d’énormes efforts pour recycler l’eau et réduire ses déchets. Elle a mis en place des plans de fermeture des mines et des programmes de reforestation complets.
Mythe : les communautés d’extraction de diamants sont maltraitées et menacées
Réalité : « À la différence de quasiment toutes les autres industries, l’extraction minière fait naître des communautés et un sentiment d’appartenance. Aucune autre n’égale celle des diamants », explique Kathy Chappell de Fair Trade Gems, récemment désignée conseillère sur les questions éthiques à la London Diamond Bourse (LDB). L’isolement des mines de diamants oblige les équipes à vivre à proximité et développe un esprit de communauté que l’industrie soutient en investissant dans des hôpitaux, des écoles, des formations et des bourses d’enseignement.
Le manque de compréhension de cette situation part de la base. Beaucoup présument que les mineurs extraient les diamants à la main. « Les gens ne comprennent pas que l’extraction minière est un processus fortement automatisé, qui déplace des millions de tonnes de roche chaque année. Les mineurs qui manipulent des pelles chargeuses dans des puits ouverts ou en souterrain ne voient jamais un seul diamant », explique Adonis Pouroulis.
Les consommateurs sous-estiment également l’aide qu’apportent les mines de diamants pour renforcer les communautés. Petra par exemple a dépensé 8,5 millions de dollars en formation pour l’exercice fiscal 2017 et doublé ses dépenses sociales, atteignant 3,4 millions de dollars pour la même période. Au niveau national et international, explique Don Palmieri, « les découvertes de mines distantes ont attiré des devises étrangères vers certains pays qui en avaient fortement besoin et ont permis aux gouvernements légitimes de former et d’offrir des médicaments et des installations médicales modernes à leurs populations. »
Ainsi, 33 % du PIB du Botswana provient de l’extraction de diamants. On estime que 5 millions de personnes dans le monde ont accès aux soins de santé grâce aux revenus tirés des diamants, d’après diamondfacts.org.
Mythe : l’industrie est secrète et fermée aux non-initiés
Réalité : La grande valeur des diamants a fait germer l’idée que l’industrie est envahie de personnes et d’organisations inaccessibles, plus à l’aise avec le secret qu’avec la transparence. En réalité, explique Don Palmieri, « nous comptons un grand nombre de personnes très travailleuses qui vont des plus défavorisées aux plus riches, selon la façon dont elles ont mené leurs entreprises et les effets d’une baisse des prix du taillé effective depuis six ans. »
L’attitude du public envers la transparence a également eu des conséquences sur l’industrie, d’après David Johnson.
« La société dans son ensemble s’attend désormais à ce que les entreprises rédigent des rapports sur leurs activités sociales et à ce que les régulateurs, financiers et autres parties prenantes, exigent de plus en plus de transparence dans les structures d’entreprise et les rapports financiers. Elle veut être sûre que les entreprises agissent comme il se doit. Nous constatons donc une forte évolution du secteur diamantaire », affirme-t-il.
Le mythe du secret est encore exacerbé par la croyance que les sociétés diamantaires accumulent des montagnes de pierres bien que cela aussi soit inexact, fait remarquer Adonis Pouroulis.
« Certaines personnes continuent de croire que De Beers a amassé d’énormes quantités de diamants dans des coffres-forts à Londres alors qu’en fait, il n’existe plus de gros stocks de diamants de nos jours, explique-t-il. Bien sûr, les miniers ont des stocks mais c’est généralement ce qui est nécessaire dans le cours normal des affaires, avant la réalisation d’une vente. »