Le Système de Garanties de l’industrie diamantaire date de 2002, à l’époque où le World Diamond Council (WDC), associé à la World Federation of Diamond Bourses (WFDB) et à l’International Diamond Manufacturers Association (IDMA), a lancé cet ensemble de mesures pour renforcer le Système de certification du Kimberley Process (KPCS)[:] qui devait être un modèle volontaire d’auto-régulation de l’industrie. L’objectif était d’éliminer les diamants du conflit de la chaîne d’approvisionnement.
L’assemblée générale annuelle du WDC, qui s’est tenue récemment à Dubaï, s’est concentrée sur l’élargissement du champ d’application du KPCS et la formalisation des principes relatifs à « l’obligation de diligence » pour des pratiques commerciales responsables dans le cadre du Système de Garanties. Dans cet entretien accordé à Rough&Polished, Stéphane Fischler, président en poste du WDC, fait part de sa vision sur les questions soulevées au cours de cet événement de deux jours.
L’assemblée générale annuelle du World Diamond Council à Dubaï a abordé des propositions visant à élargir le champ d’application du Système de certification du Kimberley Process, afin d’améliorer la prévention et de réduire le risque de violence systémique et de conflits. Une décision finale a-t-elle été prise à cet égard et comment peut-elle être appliquée ?
En 2012, au cours de son AGA à Vicence, le WDC s’est déclaré très clairement en faveur d’un élargissement du champ d’application du KPCS et a proposé une nouvelle définition du terme « diamants du conflit » afin d’y inclure « la violence liée aux diamants dans les régions de production et de négoce de diamants bruts ». Nous n’avons pas dévié de notre objectif. Nous pensons qu’un accord sur l’élargissement du champ d’application est la meilleure façon de prévenir les risques de conflit et de laisser bien plus de champ au développement durable. Dans le même temps, nous devons parler davantage, au sein de l’industrie, de la façon de susciter la confiance dans toutes les sphères – en offrant une protection adéquate à toutes les parties prenantes et en particulier aux plus vulnérables. En tant qu’industrie, nous devrons apporter davantage de garanties au consommateur final. Il en va de notre responsabilité.
Le WDC a conclu sa réunion en soulignant que les longues discussions constructives avaient abordé les problèmes et les opportunités que rencontre l’industrie diamantaire afin de s’assurer qu’aucun diamant ne soit lié à un conflit ou à un abus des droits de l’homme. Cela signifie-t-il que la définition des « diamants du conflit » a été étendue pour intégrer les infractions aux droits de l’homme ?
Des discussions ont bien eu lieu pendant les deux jours de réunion, pour savoir comment renforcer l’intégrité d’une chaîne d’approvisionnement complexe. Des idées ont notamment été proposées pour élargir le champ d’application du KPCS afin d’améliorer la prévention et de réduire le risque de violence systémique et de conflit. En plus des normes issues d’initiatives de l’industrie comme le Responsible Jewellery Council, les membres ont également étudié des approches de conduites commerciales responsables universellement reconnues (telles que celles proposées par l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques). Celles-ci seraient à intégrer dans les systèmes existants de due diligence. Ces méthodes vont améliorer la sensibilisation et la prise de responsabilités de tous les participants de la chaîne d’approvisionnement des diamants. Nous devons nous assurer que toutes les personnes impliquées dans l’industrie diamantaire en tirent profit à long terme. Je le répète, l’accent est mis sur la prévention de la violence et sur le fait que toutes les personnes concernées en retirent des bénéfices à long terme.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le contenu des discussions relatives au Système de Garanties et préciser les principes associés à « l’obligation de diligence » pour des pratiques commerciales responsables dans la chaîne d’approvisionnement des diamants ?
Le terme « obligation de diligence » a été introduit lors d’un séminaire sur les minéraux du conflit, co-organisé par l’une de nos organisations membres, la CIBJO. L’obligation de diligence concerne la responsabilité de chaque acteur de la chaîne de valeurs à ne travailler qu’avec des tiers responsables, capables de prouver qu’ils respectent des pratiques commerciales éthiques et responsables, acceptées partout dans le monde. Cela nécessite de poser des questions et de chercher des solutions. Cela signifie aussi que lorsqu’une transaction est clairement associée à des tiers exerçant des violences ou contribuant à leur financement, il suffit de dire « non » et de ne pas donner suite.
Lors de l’assemblée intersession du Kimberley Process à Perth en mai dernier, on a entendu dire que le Système de Garanties alors en place était loin d’être parfait et qu’il pourrait être mis à jour d’ici la fin de cette année. De nouveaux éléments y ont-ils été introduits et dans quel but ?
En effet, le Système de Garanties du WDC a également été révisé au cours de l’assemblée générale annuelle du WDC qui accueillait toutes les grandes organisations de l’industrie composées de membres : la CIBJO, l’IDMA, la WFDB et l’USJC. Un accord a été trouvé dans le but de formaliser les principes de « l’obligation de diligence » pour des pratiques commerciales responsables. Les principes sont destinés à sensibiliser le public aux normes universelles de conduite commerciale et aux obligations légales actuelles, mais aussi à intégrer davantage de garanties, comme le recommandent les différents traités nationaux et internationaux en matière de gouvernance. Les principes doivent être faciles à adopter par n’importe quelle organisation, y compris les PME.
Les acheteurs de bijoux en diamants sont loin de tous connaître le Système de Garanties. Que fait le WDC pour éclairer le grand public à ce sujet et de quelle façon pratique le Système de garanties peut-il être utilisé par les détaillants de bijoux en diamants pour apporter des garanties à leurs clients ?
Vous avez raison. Les détaillants ne sont pas suffisamment informés de nos engagements. C’est certainement là-dessus que devront porter nos efforts et notre stratégie de communication dans les prochains mois. Nous allons créer des boîtes à outils de communication destinées aux associations de joailliers pour leur permettre de mieux informer leurs membres. Tout le monde doit pouvoir être certain que les fournisseurs utilisent le Système de Garanties et exposer ses procédures de due diligence pour apporter et partager toutes les garanties nécessaires. Une fois de plus, comme je l’ai dit, nous sommes une industrie et, en tant que telle, nous devons apporter davantage de garanties au consommateur final.
Il se trouve que la Dubai Diamond Conference n’est pas la première à souligner la nécessité d’une réforme du Kimberley Process. Quels ont été les aspects de cette réforme évoqués par les parties prenantes de l’industrie ?
Les principales réformes se concentrent sur la nécessité d’élargir le champ d’application, en créant un secrétariat permanent et en révisant le document de base actuel et les normes du KPCS, ainsi que le fonctionnement du système de révision par les pairs. Nous devons définir ce qui a bien fonctionné et ce qui a été mal conçu. J’espère qu’un processus de révision inclusif et géré avec respect peut permettre d’obtenir de nouveaux progrès à l’avenir. Il est aussi important de souligner qu’en dépit du fait qu’il n’est pas parfait, le KP a jusqu’à présent obtenu de bons résultats sur un plan comparatif.
Quel rôle jouent actuellement les ONG dans le Kimberley Process et se sont-elles finalement entendues avec l’organisation concernant ses grandes politiques ?
Je suppose que c’est plutôt à elles que vous devriez poser la question. Pour nous, ce sont des partenaires à part entière du programme et un soutien essentiel sur le terrain.
La République centrafricaine a été autorisée par le Kimberley Process à exporter des diamants à partir de régions déclarées conformes par le KP. Or, la situation générale sur place semble être assez tendue. Quelles sont les étapes engagées par le KP pour éviter la contamination de la filière diamantaire par des diamants du conflit provenant des régions non conformes du pays ?
Comme vous le savez, la RCA est sous la stricte surveillance du KP. Une équipe de surveillance composée de groupes de travail spécialisés du KP et de représentants de la société civile et du WDC travaille dans le cadre d’un cahier des charges préétabli et d’un cadre opérationnel qui guide son travail en n’autorisant l’exportation que depuis les zones minières où l’absence de conflit a été établie, le libre accès aux communautés est garanti et la traçabilité requise est en place. Il y a actuellement cinq zones dites « vertes » à l’ouest du pays ayant l’autorisation d’exporter. Aucune zone du reste du pays, y compris à l’Est, n’est encore autorisée à exporter. Les exigences de traçabilité sont très strictes et permettent d’éviter la contamination. Nous suivons toutefois de très près les évolutions dans le pays.
Existe-t-il d’autres sources de « diamants du conflit » qui posent problème au Kimberley Process ?
Non, pas actuellement. Toutefois, le KP et le WDC demeurent essentiels pour l’avenir car il reste des régions où l’extraction de diamants est possible et qui peuvent brusquement basculer dans un conflit armé. Il y aura toujours de nouvelles difficultés et nous sommes prêts à les affronter.
Le Kimberley Process aura finalement son Secrétariat permanent, si l’on en croit la décision prise par le conseil du WDC à la réunion de cette année. Quelles sont les fonctions et les tâches qui l’attendent dans un avenir proche ?
Nous espérons qu’avec d’autres, nous pourrons convaincre les membres du KP de s’accorder sur le principe de la création d’un Secrétariat permanent. Les principaux objectifs sont de garantir la mémoire institutionnelle, de rassembler et de gérer les données liées au KP, d’assurer l’assistance technique et le renforcement des capacités dans le secteur ASM, d’améliorer la mise en œuvre du KPCS et, bien entendu, de soutenir professionnellement les travaux de la présidence et de la vice-présidence du KP, ainsi que des groupes de travail de l’organisation. Il y a toutefois une question importante à prendre en compte, d’après le WDC. Un mandat d’un an pour la présidence est très court quand il s’agit d’apporter des améliorations continues et solides.