Ces dernières années, la production de diamants synthétiques de qualité a pris de la vitesse en Russie et ailleurs. Selon des analystes, la création de synthétiques sera égale à celle de diamants naturels d’ici 2035. [:]Déjà aujourd’hui, il semble nécessaire d’avoir des machines spéciales pour détecter les diamants de laboratoire, étant donné leur mélange avec des diamants naturels. La De Beers et ALROSA ont développé des méthodes et des machines de détection permettant d’identifier les diamants synthétiques.
En Russie, les villes de Troitsk, Sestroretsk et Novossibirsk accueillent des centres de production de brut synthétique. À Troitsk, l’Institut technologique des matériaux superdurs et des nouveaux matériaux de carbone (TISNUM) a développé et mis en œuvre ses propres méthodes sous haute pression et haute température (HPHT) pour produire des diamants.
Figure 1. Diagramme de production de diamants synthétiques (HPHT) ( (Source: “Populyarnaya Mekhanika”)
À l’heure actuelle, le TISNUM produit du brut synthétique jusqu’à 8 mm, principalement utilisé dans les nanotechnologies.
À Sestroretsk, New Diamond Technology (NDT) utilise, en plus de la technique HPHT, la méthode du dépôt chimique en phase vapeur (CVD). Le développement de cette méthode de synthèse des diamants a débuté dans le monde dès les années 60. Mais les premiers résultats sérieux n’ont été obtenus qu’au début des années 2000. Dans ce système, les diamants sont déposés sur un substrat chauffé composé d’un hydrocarbure gazeux ionisé à l’aide d’un rayonnement micro-onde ou chauffé à haute température. Au début des années 2000, de petites start-up et de grandes sociétés, comme Element Six de la De Beers, ont étudié cette méthode qui leur semblait prometteuse.
Figure 2. Diagramme de production de diamants synthétiques (CVD) (Source: “Populyarnaya Mekhanika”)
Aujourd’hui, la production de diamants à des fins industrielles représente 20 % des travaux de NDT, le reste étant composé de diamants de qualité. En 2015, l’International Gemological Institute (IGI) à Hong Kong a délivré un certificat pour un diamant taillé de 10,02 carats fabriqué à partir d’un diamant CVD de 32 carats produit par cette société. Les diamants de qualité constituent une part rentable de l’activité de NDT mais l’usage industriel est le marché le plus prometteur pour les gros diamants bruts synthétiques de qualité car aucun diamant brut naturel n’est compatible avec une utilisation dans l’optique ou l’électronique de spécialité.
À Novossibirsk, les diamants synthétiques sont produits à l’aide d’une technologie datant de l’ère soviétique qui s’appuie sur des installations haute pression sans presse de type BARS (dites « à sphère divisée »), uniquement capables de donner de petits diamants bruts synthétiques.
Aux États-Unis, les diamants synthétiques sont principalement produits par deux sociétés : Gemesis en Floride, créée en 1996 et qui utilise la technologie HPHT, et Apollo Diamond à Boston qui a breveté la méthode CVD. C’est en 2003 que la première vague de diamants synthétiques de qualité est arrivée sur le marché.
De nos jours, les diamants synthétiques sont produits en quantités importantes (jusqu’à 3 millions de carats) en Chine (par Henan Huanghe Whirlwind International Co Ltd) et en Inde (par IIa Technologies Pte Ltd, immatriculée à Singapour). Et tandis que les Indiens se concentrent principalement sur les diamants de qualité destinés aux bijoux, les Chinois intensifient leurs études pour utiliser les diamants synthétiques dans les technologies de pointe.
Au Japon, Diamond Wafer Team produit des plaques de diamant CVD minces mais plutôt larges. D’après les scientifiques de l’Institute of Advanced Manufacturing Technologies de Saint-Pétersbourg, ces plaques peuvent servir de base à de futurs dispositifs électroniques.
La De Beers a créé Element Six Technologies Ltd., une structure qui fabrique actuellement des diamants synthétiques de qualité. Le premier producteur de diamants au monde utiliserait les résultats obtenus par Element Six pour produire des dispositifs capables de détecter les synthétiques présentés comme des diamants naturels. Il étudie également des perspectives d’utilisation des diamants synthétiques dans les technologies modernes.
ALROSA envisage également de produire des diamants synthétiques afin d’étudier leurs caractéristiques physiques pour mieux les détecter.
Le processus HPHT permet de fabriquer des monocristaux de diamants à haute température (environ 1 500 °C, avec un gradient de température requis) et sous haute pression (50 000 à 70 000 atmosphère). Un récipient spécial, contenant un métal fondu (fer, nickel, cobalt, etc.) et du graphite est mis sous pression hydraulique. Une ou plusieurs semences (petits cristaux de diamants) sont placées sur le substrat. Un courant électrique traverse la chambre et chauffe le métal fondu jusqu’à la température requise. Dans ces conditions, le métal agit comme solvant et catalyseur pour la cristallisation du carbone sur la semence sous forme de diamant. Le processus de fabrication d’un gros cristal ou de plusieurs petits cristaux demande de 12 à 13 jours.
En dehors des bijoux, les diamants synthétiques peuvent être largement utilisés dans les industries high-tech : micro-électronique, équipements laser, semi-conducteurs et technologie spatiale. À l’heure actuelle, les diamants synthétiques sont utilisés pour tailler des matériaux modernes ultra-résistants dans les domaines de l’optique radio et de l’électronique. Ils sont utilisés pour fabriquer des enclumes de diamants, lesquelles permettent d’étudier les propriétés des substances et leurs transitions de phase sous pressions extra-élevées allant jusqu’à 2,5 millions d’atmosphère, des fenêtres optiques pour des lasers haute puissance, des capteurs de température hautement sensibles, des capteurs de rayons ultraviolets, rayons X et rayonnements, ainsi que des éléments de chauffage à réponse rapide et des microscopes à sonde de balayage. De nos jours, les diamants synthétiques sont utilisés dans quasiment tous les domaines de la haute technologie et leur rôle ne va cesser de se développer.
Pour résumer ce qui précède, on peut dire que la fabrication de marchandises taillées à partir de brut synthétique consiste à les transformer en breloques onéreuses. Il va falloir étudier plus attentivement leurs propriétés physiques et chimiques pour pouvoir les utiliser dans le cadre des nouvelles technologies. La production de diamants synthétiques d’ALROSA pourrait contribuer à réaliser plusieurs tâches du processus de production, en remplaçant les diamants naturels par des diamants synthétiques. Citons par exemple les essais d’équipements développés pour préserver l’intégrité des diamants lors d’une transformation dans des usines de concentration, ainsi que les tests des dispositifs qui détectent une vaste gamme de diamants synthétiques.
Il est également possible de développer de nouvelles technologies pour produire des diamants synthétiques et ainsi protéger la situation économique d’ALROSA et de la Yakoutie si les diamants synthétiques venaient à remplacer les diamants naturels dans un avenir proche et qu’il ne soit plus nécessaire de les extraire des mines. Un usage étendu des diamants synthétiques dans la technologie ultramoderne pourrait également prolonger l’extraction minière dans les gisements existants qui ne sont pas encore épuisés.
Yuri Danilov, Director of “Expert” Information and Analysis Center at Ammosov North-Eastern Federal University