Le salon de Hong Kong a été meilleur que prévu pour le marché diamantaire : les joailliers chinois étaient en quête de marchandises après avoir été absents du marché pendant un certain temps. Et, même si les exposants étaient tout simplement heureux de reprendre le travail, les conditions étaient plutôt favorables aux acheteurs.[:]
Les fournisseurs ont profité de l’occasion pour réduire leurs stocks et obtenir de la trésorerie. Ils étaient donc prêts à concéder des rabais légèrement supérieurs dans certaines catégories.
« Il y a beaucoup de marchandises sur le marché et une certaine volonté de vendre, a noté un joaillier de Jakarta qui cherchait à acheter lors du salon des diamants, des pierres précieuses et des perles. On ressent une certaine flexibilité de la part des fournisseurs. »
Les marges bénéficiaires des fabricants restent serrées après un raffermissement des prix du brut au cours des deux premiers mois de l’année et un léger recul des prix du taillé. Les fournisseurs espéraient donc que le salon encouragerait les échanges de taillé pour les mois à venir. Après tout, le premier trimestre est censé être une période d’euphorie pour les négociants, un temps où les joailliers des États-Unis et de Chine se réapprovisionnent après les fêtes de Noël et du Nouvel An chinois.
Bien que ce réapprovisionnement ne soit pas encore significatif, l’activité a été suffisante pendant le salon pour distiller un certain optimisme à court terme.
Pourtant, plusieurs facteurs, apparus à Hong Kong, pourraient avoir des répercussions sur l’avenir du marché. Voici cinq tendances sur lesquelles nous garderons un œil après le salon :
1. Les détaillants ne veulent pas de stocks excessifs
Les joailliers réduisent leurs stocks, les détaillants chinois prenant de nombreuses marchandises en consignation, d’après Vincent Yiu, un responsable du fabricant diamantaire hongkongais Brilliant Trading Company.
Ils prennent garde également à ne pas rester bloqués avec des stocks trop volumineux, comme cela est déjà arrivé. Ils achètent donc de façon plus sélective, a ajouté Jeremy Medding, propriétaire d’EMA Diamonds, qui fournit des rondes jusqu’à 10 carats.
Lorsque les joailliers se sont développés avec vigueur partout en Chine plus tôt dans la décennie, ils ont acheté des stocks importants pour approvisionner les nouvelles boutiques et répondre à une demande croissante des consommateurs. Toutefois, avec le ralentissement de la croissance économique et une demande des consommateurs qui ne s’est pas totalement concrétisée, l’expansion des boutiques stagne depuis deux ans. Les joailliers ont donc dû gérer les excès de stocks et ne remplacer que le strict nécessaire.
Une tendance nette au déstockage a pu être constatée chez les principaux détaillants de bijoux, a indiqué Stéphane Fischler, vice-président du World Diamond Council et président du Antwerp World Diamond Council (AWDC). Parallèlement, les négociants cherchent [pour l’instant] davantage à écouler les volumes qu’à maintenir les prix.
2. Les joailliers optent désormais pour des prix inférieurs
Les joailliers remplacent actuellement leurs stocks de grande valeur par des marchandises de moindre valeur, a fait remarquer Stéphane Fischler.
Cette tendance émane du secteur du retail : les grands joailliers optent désormais pour des produits de gamme inférieure, qui se vendent plus rapidement, a fait observer Vincent Yiu.
« Aujourd’hui, Hong Kong est en concurrence avec les États-Unis pour le piqué et les marchandises de pureté SI », a-t-il ajouté.
Les exposants ont remarqué une forte demande de SI lors du salon, alors qu’il y a quelques années, l’Extrême-Orient était connu pour être le marché des marchandises VVS à VS.
La tendance favorise aussi les marchandises de couleurs inférieures. Il y a environ deux mois, la demande pour les couleurs G à H était satisfaisante mais lors du salon, les acheteurs recherchaient des marchandises I, J et K, a indiqué Motti Amit, un responsable du fournisseur de taillé de Tel-Aviv, Leo Schachter.
Ces marchandises sont difficiles à fournir car le brut disponible dans ces couleurs est présent en moins grandes quantités, a indiqué Motti Amit. « Vous vendez donc une plus petite partie de votre stock », a-t-il expliqué.
3. On constate une diminution des liquidités en Asie
Les acheteurs chinois travaillent également avec des budgets plus serrés qu’il y a un an, étant donné que le yuan s’est déprécié de 6 % face au dollar américain depuis mars 2016.
Et, même si les grossistes chinois achètent en dollars américains, ils vendent dans leur devise locale.
« Leurs budgets étant établis en renmibis [yuans], ils cherchent des marchandises plus en accord avec leurs contraintes budgétaires », a expliqué Motti Amit.
En outre, les exposants se montrent de plus en plus réticents à accorder des crédits aux acheteurs, vu le grand nombre de retards de paiement de la part des clients chinois. L’importation des marchandises en Chine s’accompagne de lourdes démarches administratives. Les droits d’importation de 4 % appliqués sur le taillé viennent encore restreindre leurs budgets, ont fait observer les exposants.
4. Les fournisseurs de diamants de laboratoire se font plus présents
On a constaté une augmentation notable des fournisseurs de diamants de laboratoire exposant lors du salon. En outre, ces fournisseurs étaient installés près des négociants de diamants naturels.
« C’est un problème pour nous car nous considérons qu’il ne s’agit pas du même produit, a expliqué Stéphane Fischler. Les années précédentes, les fournisseurs de diamants de laboratoire et ceux de diamants naturels étaient clairement séparés. »
Parallèlement, aussi bien la De Beers que le Gemological Institue of America (GIA) ont noté une augmentation constante de la production de diamants de laboratoire, ceci lié à une baisse des coûts, en particulier pour les synthétiques produits sous haute pression et haute température. Les deux sociétés, dans leurs présentations respectives lors du salon, ont fait part de craintes accrues face à l’arrivée de synthétiques non déclarés sur le marché.
5. Le modèle d’activité du salon commercial commence à décroître
Le salon de Hong Kong tombe à point nommé pour les négociants qui cherchent à répondre à la demande après la saison du Nouvel An chinois où les ventes de bijoux sont importantes. Pourtant, les diamantaires admettent qu’il y a tout simplement trop de salons au calendrier, ils cherchent donc à déterminer ceux qui en valent vraiment la peine.
À Hong Kong même, des salons commerciaux sont organisés en mars, en juin et en septembre ; certains professionnels ont même récemment commencé à assister au salon International Jewelry Manufacturers en novembre.
« Le modèle du salon commence à perdre de son importance, quand on parle de conclure des affaires et de faire naître de l’enthousiasme, a ajouté Jeremy Medding. En plus du prix du stand et des billets d’avion et de l’hébergement du personnel, il faut rajouter les coûts importants liés aux stocks car les marchandises sont en transit pendant quasiment deux semaines avant et après l’événement. Elles ne sont donc pas disponibles pour d’autres centres. »
Et, surtout, les salons ne permettent plus aux fournisseurs de rencontrer de nouveaux acheteurs. Comme l’a expliqué un exposant, « ce sont toujours les mêmes visages que l’on voit à chaque salon. »
En outre, les transactions ne sont plus nécessairement conclues sur place, comme cela se faisait auparavant. Le suivi est donc plus important pour s’assurer de bien conclure la vente, a souligné l’exposant.
Enfin, les salons sont une bonne occasion de rencontrer des clients existants et de nouer des relations au sein du marché. Certes, c’est un aspect important, mais de nombreuses sociétés ont du mal à justifier les dépenses nécessaires pour assister à tous ces événements.
« Je pense que nous devons revenir aux fondamentaux, a expliqué Harsh Maheshwari, un directeur de Kunming Diamonds, basé à Hong Kong, qui propose des diamants de couleur. Ce n’est pas dans les salons qu’a lieu le plus gros de l’activité. Il faut une bonne présence sur le plan international et travailler avec les clients de manière continue. »