Bain : recul des achats de luxe des consommateurs chinois dans le monde

Yiling Pan

Même si la croissance du marché du luxe chinois affiche de nouveau des couleurs positives après deux ans de récession, l’année 2016 est la première où les dépenses de luxe des consommateurs chinois ont baissé dans le monde par rapport à la précédente.[:] C’est en tout cas ce qu’indique le rapport annuel de Bain & Company sur l’industrie, intitulé « Bain Luxury Study ».

En 2015, Bain & Company avait annoncé une baisse de 2 % du marché du luxe chinois. Les consommateurs avaient en effet privilégié les achats de produits de luxe à l’étranger. Le nouveau rapport affirme que ce marché repart sur les traces de la croissance après que Bain a annoncé en mai de cette année qu’elle atteindrait jusqu’à 2 %.

Malgré cette hausse des achats par les consommateurs chinois sur le marché du luxe national, les fortes dépenses locales ne compensent pas la baisse des dépenses à l’étranger. La contribution globale de la Chine au marché mondial a perdu du terrain, jusqu’à atteindre 30 % en 2016, un recul de 1 % par rapport à l’année dernière, comme le montre le rapport.

Cette évolution inverse la tendance des achats de luxe à l’étranger pour les consommateurs chinois mais elle n’est pas vraiment surprenante après les années d’efforts engagés par le gouvernement pour stimuler la consommation nationale. Ces dernières années, les consommateurs chinois ont fait part d’un fort enthousiasme pour les achats de luxe à l’étranger, entraînant un essor spectaculaire des achats transfrontaliers (haitao) et du marché du daigou. Toutefois, le marché du daigou montre des signes de repli depuis quelques mois : le ministère des Finances, l’administration générale des douanes et l’Administration d’État pour la fiscalité ont produit ensemble une nouvelle réglementation visant à augmenter les droits de douane et à renforcer les contrôles douaniers sur les expéditions transfrontalières en avril. Parallèlement, la dépréciation du yuan chinois a pesé sur l’intérêt porté aux achats de luxe à l’étranger. La valeur de la devise a perdu plus de 4 % depuis le début 2016.

Ce nouveau modèle de dépenses nationales chez les consommateurs de luxe chinois exige un ajustement des stratégies commerciales des marques de luxe mondiales présentes dans le pays. Par conséquent, beaucoup, comme Chanel, Cartier et TAG Heuer, ont resserré les écarts de prix de leurs produits entre la Chine et l’étranger cette année tout comme en 2015.

« Le marché du luxe est devenu mature. Les marques ne peuvent plus se reposer sur leurs lauriers. Elles doivent vraiment appliquer des stratégies de différenciation pour réussir à l’avenir », a expliqué Claudia D’Arpizio, associée chez Bain à Milan et auteur principal de l’étude. La nécessité de différencier les stratégies est devenue extrêmement importante sur le marché chinois de nos jours. Avant la campagne anti-corruption du président Xi Jinping, l’extraordinaire expansion annuelle à deux chiffres du marché du luxe semblait être un gage de réussite pour toute marque mondiale qui s’installerait en Chine. Or, ce n’est plus le cas depuis quelques années. « Nous voyons déjà les débuts d’une polarisation évidente en termes de performances : des vainqueurs et des perdants apparaissent en fonction des catégories de produits et des segments », a-t-elle ajouté.

Toutefois, le pouvoir d’achat des consommateurs chinois à l’étranger reste d’une importance cruciale pour de nombreux pays. Cette année, des nations comme la Corée du Sud, Singapour, la Thaïlande et la Malaisie devraient fortement profiter de l’arrivée des touristes chinois. Bain & Company estime que le marché du luxe sud-coréen progressera de 13 % à taux de change constant ou de 9 % à taux de change actuel, se reprenant ainsi après l’épidémie de MERS (syndrome respiratoire du Moyen-Orient) l’année dernière. Singapour attire particulièrement les acheteurs des villes chinoises de niveau 2 et 3. Pourtant, les marchés de Hong Kong et Macao devraient perdre 15 % à taux de change constant ou 16 % à taux de change actuel car les acheteurs du continent continuent de refuser de s’y rendre en vacances.

Les performances du marché européen du luxe sont également chaotiques en raison des incertitudes géopolitiques et du terrorisme qui a réduit la contribution des acheteurs de luxe chinois à l’étranger cette année. Le marché a atteint 1 % de croissance à taux de change constant, surfant sur la reprise des dépenses locales.

Bain & Company estime toujours qu’à long terme, la Chine restera un moteur essentiel de la consommation des biens de luxe personnels dans le monde, en grande partie grâce à l’essor de sa classe moyenne. Bain recommande aux marques de luxe qui veulent se tailler une part du gâteau de ce marché en pleine transformation d’« adapter leur activité et d’adopter une approche omni-canal, centrée sur le client ».

Source Jing Daily


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