La République centrafricaine reste sous embargo, ont indiqué des sources au JCK. [:]
Le 10 mars, le journal émirati The National annonçait haut et fort que les exportations diamantaires de République centrafricaine reprendraient bientôt, grâce à un accord arraché par Ahmed bin Sulayem, actuel président du Kimberley Process, qui représente les Émirats arabes unis.
L’article citait des propos attribués à Ahmed Bin Sulayem : « La reprise effective des exportations de République centrafricaine était l’une des grandes priorités de la présidence 2016 du KP. Je suis particulièrement fier d’avoir permis de faire sauter le verrou qui bloquait les exportations depuis si longtemps. »
Pourtant, quatre sources distinctes, impliquées dans le KP, m’indiquent que ce n’est pas vrai et que le blocus se poursuit. Certains ont maugréé que le président avait outrepassé ses prérogatives avec cette annonce, tandis que d’autres soutenaient que ses propos avaient été déformés. (Les e-mails que j’ai adressés à Ahmed bin Sulayem et au bureau de la présidence du KP n’ont pas obtenu de réponse.)
Ceci dit, le Kimberley Process cherche bien à valider quelques exportations diamantaires de République centrafricaine, mais sous certaines conditions. La République centrafricaine reste un pays morcelé, avec des groupes rebelles actifs dans certaines régions. Pour l’heure, une seule région pourrait être autorisée à reprendre les exportations, la zone de production diamantaire de Berbérati, placée sous contrôle étroit par les forces du gouvernement.
L’année dernière, à la demande du gouvernement centrafricain, le KP s’était entendu sur des critères qui permettraient une reprise des activités dans la région de Berbérati. Ces critères sont plus stricts que les normes habituelles du KP (ils sont qualifiés de « KP plus », comme l’a indiqué une source), et assortis d’une procédure d’exportation supplémentaire destinée à assurer le suivi des diamants, dès leur départ de la mine.
Le changement est considérable par rapport au fonctionnement habituel du KP, qui évalue généralement des pays, plutôt que des régions au sein d’un même pays. L’organisation fait ici une exception, et ce pour plusieurs raisons : tout d’abord, elle est préoccupée par la subsistance des personnes qui y habitent, dont beaucoup dépendent des diamants pour vivre. En outre, l’organisme considère que l’introduction d’une voie légale pour les exportations mettra fin à la contrebande et améliorera la stabilité du pays, ce qui, ne l’oublions pas, est l’objectif principal de cette opération. Le KP entendait également créditer la République centrafricaine pour le travail accompli afin de contrôler sa filière diamantaire.
Une équipe de surveillance, composée des acteurs habituels du KP, à savoir l’industrie, le gouvernement et des ONG, s’est récemment rendue dans la région pour évaluer le respect des nouvelles conditions. Ce sera cette équipe qui prendra la décision finale, ont indiqué des sources, et non la présidence.
À noter également que si la région obtient le feu vert, elle ne pourra exporter que les diamants nouvellement extraits des mines. L’autorisation ne devrait pas concerner les gros stocks de diamants que les quelques sociétés toujours actives dans le pays se sont constitué au cours des deux dernières années d’embargo. Ces stocks devraient faire l’objet d’un audit mais on ne sait pas encore quelle sera leur destinée, étant donné qu’ils pourraient contenir des diamants du conflit.
S’ils contiennent effectivement des diamants interdits – et certains pensent que c’est le cas – une nouvelle question se pose : que faut-il faire de ces marchandises ? Doivent-elles également être autorisées pour l’exportation ? L’industrie craint, comme d’habitude, que le public ne la regarde une nouvelle fois d’un mauvais œil si des diamants du conflit entraient dans sa chaîne d’approvisionnement. Lorsqu’Amnesty international a publié un rapport sur ces stocks l’année dernière, l’organisation a lancé des titres comme : « Arrivée possible de milliers de carats de diamants du conflit sur les marchés du monde entier ».
Alors, le gouvernement récupérera-t-il ces diamants ? Cela serait assez logique, bien que certains craignent un précédent terrible, celui d’un gouvernement qui saisit les actifs d’une société privée. Certaines ONG ont même suggéré de détruire les diamants mais cette idée semble encore pire. Après tout, l’un des objectifs est d’aider les pays à obtenir plus de valeur pour leurs actifs diamantaires, et non de les réduire en poussière.
Ce sont là des questions difficiles et, malgré de récents articles de presse, elles n’ont pas encore obtenu de réponse.