Lettre ouverte à Leonardo DiCaprio

Rob Bates

Désaccord quant aux raisons pour lesquelles la star soutient une société de diamants de laboratoire.
Cher… Leo,

En 2006, avant que ne sorte le film Blood Diamond, Nelson Mandela avait rencontré les stars à l’affiche et le responsable de Warner Brothers. [:]Il était inquiet de l’impact de ce long-métrage sur les ventes de diamants et, par là-même, sur les économies africaines. Vous l’avez ensuite rencontré en Afrique.

Vous avez semblé profondément ému par votre rencontre avec l’une des plus grandes figures du XXe siècle. Vous avez indiqué à un journaliste qui vous interviewait : « En définitive, les diamants sont une source de stabilité sociale et économique en Afrique, ce film n’a pas pour but de décourager les achats de diamants. »

Aujourd’hui, bien sûr, vous semblez avoir changé de discours. En tant qu’investisseur dans Diamond Foundry, un nouveau producteur de diamants de laboratoire, vous avez affirmé que la société « réduit l’impact humain et environnemental de l’industrie diamantaire en cultivant des diamants de façon durable, sans faire appel à l’extraction minière, une activité destructrice. »

Je peux comprendre les raisons pour lesquelles vous avez investi dans Diamond Foundry, j’en ai parlé ici. L’entreprise s’est assuré les services de nombreux créateurs extrêmement talentueux et, récemment, de deux piliers très respectés de l’industrie. Mais je suis en désaccord avec votre raisonnement, qui constitue un écart majeur par rapport à vos déclarations de 2007.

Nelson Mandela est mort il y a trois ans. Si vous n’écoutez plus une authentique icône et un véritable héros – célèbre pour avoir refusé de sortir de prison quand on le lui proposait –, vous ne m’écouterez probablement pas non plus (en supposant que vous lisiez ceci, mais j’imagine que ce ne sera pas le cas). Néanmoins, vos opinions commencent petit à petit à faire autorité. Dans une vidéo récente produite par le Jewelry Consumer Opinion Council, un consommateur estimait que l’achat d’un diamant de laboratoire lui « donnait l’impression de faire quelque chose de bien pour la communauté. » L’auteur Eric March écrit dans Upworthy que les diamants de laboratoire « ne font pratiquement aucun mal. »

Pas vraiment, et voici pourquoi :

Imaginons, pour le bien de notre démonstration, que les diamants de laboratoire fassent moins de mal à l’environnement que les diamants naturels. Cela semble logique, intuitivement, mais nous manquons de données concrètes et indépendantes sur le sujet. Pour l’heure, les diamants de laboratoire ne remplacent pas les diamants naturels ; ils sont fabriqués en plus. Cela n’apporte aucun avantage social ou écologique discernable. Il a même fallu bâtir des usines qui n’existaient pas auparavant. Diamond Foundry affirme effectivement : « Nous utilisons les crédits de l’énergie solaire pour ramener notre empreinte carbone à zéro. »

Pour que les diamants de laboratoire présentent effectivement un avantage, il faudrait qu’ils remplacent les diamants naturels. Mais cela soulève un problème encore plus important. Quelque 10 millions de personnes dépendent de l’industrie diamantaire en général et de l’extraction des diamants en particulier, parfois dans les régions les plus pauvres du monde. Ce sont de nombreux ménages dont la subsistance serait remise en cause.

Les diamants représentent 30 % du produit intérieur brut du Botswana et 70 % de ses gains de change. Retirer cet argent au pays, c’est comme planter un couteau dans le cœur de l’économie de l’une des rares réussites en Afrique. Comme l’expliquait un rapport sur les diamants de laboratoire :

« Pour le Botswana, qui dispose de gisements de diamants suffisants pour rester un important fournisseur sur le marché mondial pendant encore au moins vingt ans, les enjeux ne pourraient pas être plus grands. Le Botswana est également le pays qui dépend le plus des diamants. Une baisse majeure des tarifs et de la rentabilité du secteur, due à une perte de confiance des consommateurs dans la pérennité des diamants, jugés comme une réserve de valeur, est un risque défini mais impossible à quantifier. »

Que représentent les diamants pour le Botswana ? Écoutez l’ancien président Festus Mogae :

« Lorsque les [consommateurs américains] achètent des diamants du Botswana, c’est comme s’ils mettaient de la nourriture dans les assiettes des travailleurs et qu’ils assuraient l’éducation de leurs enfants. Ils leur apportent des médicaments antirétroviraux pour le sida… Les personnes qui profitent de leurs achats sont dans des situations bien plus précaires qu’eux. Lorsque ces consommateurs achètent des diamants, ils aident des gens qui, autrement, risqueraient de mourir de faim… »

La fin de l’industrie des diamants naturels paralyserait également les économies d’Afrique du Sud, de Namibie et même de Sierra Leone, là où a été tourné Blood Diamond. Comme le disait Nelson Mandela en 2006 :

« Il serait profondément regrettable que la réalisation de [Blood Diamond] masque malencontreusement la vérité et fasse croire au monde qu’il faudrait maintenant cesser d’acheter des diamants extraits en Afrique. Nous espérons que la volonté de raconter une histoire véridique, importante et captivante, ne vienne pas déstabiliser les pays africains producteurs de diamants et, au final, leurs populations. »

Il serait tout aussi regrettable que l’argent qui était destiné à certaines des populations les plus pauvres au monde vous revienne, à vous et aux 10 milliardaires qui soutiennent Diamond Foundry. Bien sûr, il est très probable que vous tous donniez des sommes importantes aux œuvres de charité, y compris en Afrique. Mais avec 60 milliardaires environ qui contrôlent désormais la moitié des richesses du monde, peut-être devrions-nous éliminer les intermédiaires.

La meilleure analogie pourrait peut-être consister à évoquer les bloqueurs de publicité, un sujet tout à fait d’actualité. Tout le monde est d’accord pour dire que certaines publicités sur Internet ont un effet terrible sur les ordinateurs des utilisateurs. C’est l’une des raisons pour lesquelles de nombreux consommateurs, et désormais Apple, ont adopté des programmes qui les bloquent. Or, de nombreuses publications dépendent des revenus publicitaires et ces programmes bloquent toutes les publicités, quelles qu’elles soient. Si les consommateurs les installent, l’activité journalistique en souffrira forcément. Le combat contre les mauvaises publicités pourrait éliminer celles qui servent un objectif légitime.

[two_third]Il en va de même pour les diamants. Tout le monde sait que certains diamants sont produits dans de mauvaises conditions. Heureusement, ce n’est pas le cas de la grande majorité d’entre eux. Si les consommateurs cessent d’acheter des diamants naturels, tous ceux qui dépendent de l’industrie minière dans certains des pays les plus pauvres au monde se retrouveront sans travail. Ils auront alors bien moins de possibilités que les journalistes occidentaux au chômage.[/two_third][one_third_last]

« Il en va de même pour les diamants. Tout le monde sait que certains diamants sont produits dans de mauvaises conditions. Heureusement, ce n’est pas le cas de la grande majorité d’entre eux. »

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Dans le meilleur des mondes, les diamants de laboratoire deviendraient une marchandise tellement recherchée que l’industrie des diamants naturels subirait de plus fortes pressions pour améliorer les contrôles de la chaîne d’approvisionnement et résoudre les problèmes qui demeurent. Ces démarches doivent de toute façon être mises en œuvre. Malheureusement, la vie n’évolue pas toujours aussi agréablement ou si bien.

Les diamants de laboratoire sont un bon produit. Ils font maintenant partie de l’industrie diamantaire. Il existe d’innombrables raisons d’en acheter, comme le prix, la certification de leur origine et les créations proposées. Les consommateurs, vous compris, doivent toutefois comprendre que l’achat d’un diamant de laboratoire n’est pas un gage de moralité aussi évident que certains pourraient le croire.

[two_third]P.S. D’ailleurs, si vous ou les milliardaires qui soutenez Diamond Foundry vouliez vraiment améliorer les aspects humanitaires et écologiques de l’industrie diamantaire, sachez que la Diamond Development Initiative est un excellent groupe auquel contribuer. Ed Zwick, le réalisateur de Blood Diamond, siège à son comité consultatif.[/two_third][one_third_last]

« Les diamants de laboratoire sont un bon produit. Ils font maintenant partie de l’industrie diamantaire. »

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Source JCK Online