Le début de l’année est d’une part la période des vœux, d’autre part, celle des prospectives. Je profite donc de l’occasion qui m’est donnée pour vous souhaiter une année 2016 aussi étincelante que ces diamants qui nous sont chers ![:] Quant aux prospectives et surtout aux perspectives du marché pour 2016, bien malin celui qui pourra affirmer avec certitude où court le marché du diamant cette année.
S’il est certain que 2014 fut une année de transition – les financements bancaires ont commencé à baissé, les lois anticorruption ont modifié le paysage chinois, les diamants recyclés et les marchandises de laboratoire ont tenu une plus grande place, etc. -, 2015 a confirmé que l’industrie du diamant entrait dans une nouvelle ère. Coup de grâce ou retour de bâton pour certains, affirmation d’une plus grande maturité du marché et prémices d’une industrie plus moderne, plus en phase avec son époque pour d’autres, 2015 n’aura laissé personne indifférent. Ce fut une année difficile, source de nombreuses interrogations. 2016 est ainsi très attendue. Il y a peu de chances qu’elle soit l’année du renouveau et nul ne la regarde sereinement ou totalement détendu… Si seulement nous avions quelques certitudes…
Cependant, certaines allégations, certains sujets de débat, certaines évolutions auront sans doute (toujours) cours en 2016. Alors, à quoi pouvons-nous nous attendre ?
Les miniers continueront à connaître des difficultés
C’est inédit. En 2015, le regard sur les miniers a changé. Le positionnement de ces derniers également. Mais les mesures prises par les miniers ont été tardives et la situation en ce début 2016 est devenue assez inextricable.
Les derniers sights de la De Beers ont été extrêmement réduits en volume. Surtout, c’est le marché qui a contraint la De Beers à réduire ce volume ! À titre d’exemple, entre baisse des prix et de volume, les ventes ont avoisiné les 180 à 250 millions pour le sight 10, les 70 millions pour le 9 et les 200 millions pour le 8, etc. Depuis le milieu de 2015, les sightholders ne sont plus obligés de se conformer à leur ITO. Et la De Beers s’est généralement montrée plus flexible pour se confronter à une réalité : l’offre ne peut plus s’imposer à la demande.
Même les prix ont baissé en général et la production diminué encore par rapport aux estimations (hormis pour ALROSA qui a augmenté sa production en 2015 !), est-ce que cela suffit à stabiliser le marché ? Non. Les prix du brut auraient chuté de 18 % en moyenne depuis le début 2015. Le marché continue cependant à réclamer une baisse mesurée des prix du brut (le volume du brut sur le marché aurait baissé de 30 à 50 % en un an !) Mesurée pour que le taillé acheté il y a quelques mois ne soit pas dévalué.
Les miniers en sont-ils arrivés à revoir complètement leur modèle économique et pourraient-ils changer en 2016 ? Nous n’irons peut-être pas si loin ! Dans tous les cas, s’ils ont déjà évolué ces deux dernières années (cf. les nouveaux acheteurs accrédités de la De Beers), les système des contrats de vente sur le long terme de la De Beers et d’ALORSA, basés sur des ITO, ont encore été remis en question et devraient connaître des ajustements. Les enchères quant à elles connaissent une importance croissante, comme de juste. Une page se tourne…
Vous noterez en passant que les miniers ont connu des difficultés dans la majorité des secteurs d’extraction et que l’ensemble des matières premières a connu une baisse des prix qui ne se limite donc pas aux diamants.
Les prix du brut et du taillé seront toujours chaotiques
J’aimerais pouvoir vous dire : tel jour à telle heure, les prix du taillé vont remonter, ceux du brut également. Mais même si le marché connaît des pénuries dans certaines catégories, même si après Diwali les fabricants indiens ont voulu relancer (un peu) la fabrication pour ce début 2016, même si la Saint-Valentin approche à grands pas et que le premier trimestre est traditionnellement un « bon trimestre », nul n’attend une réelle remontée des prix du taillé. Au mieux, les analystes l’espèrent pour le deuxième semestre 2016… Quant aux stocks, ils posent toujours de gros soucis de rentabilité aux fabricants comme aux détaillants. Les échanges sont atones dans la majorité des secteurs de l’industrie. Est-ce à dire que tout va mal ? Non, les diamants d’exception se sont bien portés, le marché américain reste correct, mais le moral de l’industrie est en berne à l’image de son absence de bénéfices. La question des prix est encore et toujours problématique – De combien les baisser ? Quand ? Encore ? Combien de temps ? – et la seule réponse fiable à cette question pour l’avenir semble être de travailler à augmenter la demande des consommateurs…
La viabilité financière devra être prouvée
En 2014, les banques ont commencé à demander des comptes plus précis aux diamantaires. En 2015, cette exigence s’est durcie, entrainant dans son sillage des difficultés réelles pour un certain nombre d’acteurs du marché. En 2016, cette tendance – qui n’en est plus une d’ailleurs ! – va se confirmer. Il faudra toujours apporter plus de garanties, surtout compte tenu de la situation incertaine du marché, qui n’est pas faite pour rassurer les banques. Il n’y aura pas de retour en arrière : les banques soutiendront ceux qui se conformeront aux règles de transparence et de conformité fixées par elles. Rappelez-vous les mots-clés du dialogue avec les organismes financeurs : transparence, viabilité financière, rentabilité, stabilité. Pour l’instant, c’est difficile, mais la dynamique engagée devrait être ensuite profitable à tous.
La place et la légitimité des diamants de laboratoire seront raffermies
En 2016, il n’est plus possible de discuter de la légitimité des diamants de laboratoire.
Même si ces derniers n’ont pas le droit de citer à la BDB, il est évident qu’il existe un public intéressé et des parts de marché pour ces derniers. Le problème et le débat devraient tourner plutôt autour de leur détection et de la façon de les marketer. Mais pour répondre à la première problématique, de nouveaux outils sont désormais accessibles pour les repérer dans du mêlé (GIA, De Beers, WTOCD, etc.) et éviter qu’ils ne soient vendus sous l’étiquette de pierres naturelles. Car ici c’est bien l’éthique et la transparence qui sont en cause encore une fois. Et cela nous ramène aussi à un problème de communication avec les consommateurs. S’interroger sur comment parler des diamants de laboratoire revient également à définir et rendre intelligible ce que sont les diamants naturels…
L’importance de combiner publicité de marque ET publicité générique
Ce fut un débat d’importance en 2015. Il semble aujourd’hui évident que l’industrie du diamant devra apprendre à combiner publicité de marque ET publicité générique. En ce qui concerne la première, de nombreuses initiatives ont vu le jour en 2015. La De Beers avec Seize the Day, The One ou It’s a long Journey reste en haut de l’affiche. Forevermark propose d’ailleurs, avec le retour en fanfare de A Diamond is Forever, slogan générique bien connu, un mélange intéressant entre les deux publicités : de marque et générique. Les fêtes de fin d’année sont toujours des périodes propices pour les marques de luxe et Cartier ou Tiffany ont encore fait de belles propositions fin 2015.
De qui attendre des initiatives en marketing générique ? De l’industrie en général qui va devoir mettre la main au portefeuille, soit via des structures existantes comme la WDM ou la récente et prometteuse DPA, soit en créant un organe représentatif dédié et efficient.
Mais cette nouvelle publicité devra parler le langage des générations susceptibles d’acheter des bijoux et plus particulièrement des diamants. Les vieux discours n’ont plus leur place. Origine, qualité, éthique, singularité, histoire commune, partage de richesses et de valeurs, créativité, sont autant de pistes qui tiendront le haut du pavé des réflexions sur la publicité des diamants en 2016. Il va falloir créer du lien avec les consommateurs, rappeler qu’un diamant a toute sa place dans ce marché du luxe en bonne forme. Les agences marketing auront tout le loisir de se pencher sur la question !
Il est évident en tout cas que la croissance des initiatives marketing devrait apporter plus de visibilité aux diamants mais va aussi contraindre l’industrie à se monter irréprochable.
Les normes de RSE et l’engagement éthique iront croissant dans les choix des industries du secteur
Transparence. Un mot à garder en tête dans toutes vos actions ! Que ce soit pour entretenir le dialogue avec les financeurs, comme vu plus haut. Mais également pour le créer ou le consolider avec les consommateurs. L’importance de l’éthique et des normes de RSE va bien au-delà de notre industrie. Elles sont garantes aujourd’hui d’un produit « qui marche » et voilà pourquoi l’industrie du diamant ne peut pas en faire fi. Que ce soit au sein de ses institutions (le KP qui sera dirigé cette année par les Émirats arabes unis), mais aussi dans la gestion des entreprises et dans la façon de vendre un produit ou de s’adresser au consommateur. Pour prendre l’exemple de notre joli Hexagone, chez nous le « Made in France » a grandement la côte auprès des jeunes générations, hipsters ou non, à partir du moment où leur pouvoir d’achat le permet (eh oui, le « made in France » c’est plus cher que le « made in China » !) Ajoutez à cela une entreprise qui « vous vend » du lien social, un engagement, un partage des valeurs et des richesses au sein de son entreprise mais aussi avec ses fabricants ou fournisseurs, un produit designé selon la mode contemporaine et personnalisable et vous avez tout bon !
L’idéal, en 2016, serait d’arriver à ce que les uns ou les autres consommateurs (tous âges et budgets confondus) aient le désir de, fièrement, montrer et communiquer (ah les réseaux sociaux !) sur le diamant qu’ils viennent d’acheter ou d’offrir… Il est temps de retrousser nos manches…
À lire :
● Le coût des antagonismes sur le marché du brut pourrait être élevé – Perspectives
● Une année perdue pour le brut
● L’industrie du diamant doit «faire preuve de transparence et s’adapter aux critères des banques»
● Leçons tirées de la publicité générique et de la publicité de marque
● Comment la De Beers est passée du statut de star à celui de souffre-douleur
● D’après Moody’s, les producteurs de brut pourraient encore baisser les prix
● Direction conseillée pour la publicité diamantaire
● Les trois clés du pouvoir pour les marques diamantaires