Antwerp Diamond Centre – vendredi 27 mars 2015.
Le 27 mars dernier le AWDC, Antwerp World Diamond Centre, conviait les membres de l’industrie du diamant à s’interroger sur l’avenir financier du secteur.[:] Si les intervenants ont reconnu à l’industrie du diamant son caractère unique, ils ont défendu une idée maîtresse : les banques soutiendront ceux qui se conformeront aux règles de transparence et de conformité fixé par elles. Le challenge est de taille…
Voilà en substance et d’emblée ce qu’il faudra retenir du séminaire de vendredi dernier (27/03/15) à Anvers. Les représentants de l’industrie ont répondu présents à l’invitation du AWDC. Il faut dire que le problème des liquidités et le dialogue avec les banques sont au cœur du débat depuis plusieurs mois ! L’objectif annoncé : faire face aux nombreux challenges, impulser un changement dynamique et construire un environnement où le marché du diamant continuera d’avancer.
Le séminaire commence par un discours de Herman Van Rompuy, invité d’honneur, en sa qualité d’ancien président du Conseil européen (2010-2014) et Premier ministre belge. Pour ce dernier, il est certain « qu’Anvers a besoin de l’Europe pour rester compétitif » et doit s’efforcer, face à la concurrence des autres centres, d’affirmer sa position au sein de l’industrie, sans craindre pour autant l’ouverture. Il confirme que « le manque de liquidités est un important problème » et demande à l’industrie du diamant de « porter des valeurs » fortes.
Sur l’estrade, ce sont 3 représentants du secteur financier qui débattent :
● Kishore Lall, directeur général et responsable mondial de la division Diamonds & Jewelry de la banque londonienne Standard Chartered.
● Des Kilalea analyste et chercheur ECM Equity Capital Markets pour RBC Capital Markets et analyste de l’industrie du diamant.
● Sabine Smets directrice de la division belge Diamond & Jewellery pour la banque ABN AMRO, principal financier de l’industrie diamantaire.
Pourquoi l’industrie du diamant est-elle si peu attractive pour les banques ?
[two_third]Certes, l’industrie du diamant est reconnue par les 3 conférenciers, au regard des autres industries, comme « peu commune ». Mais les défis financiers mondiaux sont, à ce jour, trop importants pour qu’elle ne s’y adapte pas, sous peine de se retrouver dans une situation critique. Pour Khishore Lall, il est évident que les rumeurs persistantes qui courent sur une industrie du diamant « classée à haut risque », lui ont porté préjudice. Si elle désire maintenir – ou créer – un dialogue avec les banques, il faudra qu’elle accepte de se montrer plus transparente. Quant à Anvers, si sa position géographique est centrale, elle ne peut, en revanche, en tant que place de marché, rivaliser avec Londres.[/two_third][one_third_last]
« L’industrie doit travailler sur quatre points clés : transparence, viabilité financière, rentabilité et stabilité. »
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Sabine Smets demande pour sa part à l’industrie – compagnies minières en tête – de regarder vers le futur en travaillant sur quatre points clés :
● La transparence (transparency)
● Sa viabilité financière (bankability)
● Sa rentabilité (profitability)
●Sa stabilité (sustainability)
Selon elle, « le système indien où «les risques sont limités et le financement suffisant peut ainsi faire figure d’exemple » pour comprendre comment inciter les banques à « mettre plus d’argent sur la table ».
Car ce ne sont pas les possibilités de financement qui manquent ! Pour Des Kilalea, l’industrie du diamant qui, à l’échelle mondiale, ne représente pas autant de parts de marché que d’autres industries, doit comprendre comment être « plus efficiente ». « Il y a certainement de belles opportunités dans l’industrie du diamant » [pour les banques], « mais c’est difficile à percevoir pour le monde extérieur, » explique-t-il. Des outils devront donc être créés pour rendre ce secteur plus intelligible et compréhensible.
Répartir les risques
Certaines banques majeures, à Dubaï par exemple, montrent tout de même un intérêt croissant pour l’industrie diamantaire. Mais Kishore Lall estime que « l’oxygène ne doit pas venir uniquement des banques étrangères. Elle doit aussi venir des banques locales. » Ce qu’appuie Sabine Smets : « L’intérêt ne doit pas venir que des quelques banques existantes » qui financent actuellement l’industrie du diamant. D’autres banques doivent pouvoir se sentir à l’aise à l’idée d’investir dans ce secteur. Elle encourage donc à « répartir les risques pour les banques. Ce qui reviendrait à répartir les risques pour leurs clients. Il va falloir trouver des solutions pour cette industrie et particulièrement pour Anvers. »
Une offre qui répond à la demande
Les prix du brut et ceux du taillé, autre point crucial soulevé lors du débat, doivent « être contraints » d’après Des Kilalea, surtout compte tenu du manque de liquidités actuel et du resserrement des marges. Dans toutes les autres industries, c’est la demande du marché qui dicte les prix ; « l’offre doit s’accorder à la demande » dans l’industrie du diamant également.
Une rentabilité sur le long terme
L’enjeu, enfin, est bel et bien d’inscrire l’industrie du diamant dans une dynamique de rentabilité sur le long terme.
Avec quels outils ? Est-il donc possible de regarder « en interne » comment réduire les coûts ou faut-il encourager une baisse des prix du brut ? Kishore Lall défend l’idée que la rentabilité viendra d’un esprit de groupe, d’une bonne entente entre tous les acteurs du secteur : mineurs, fabricants, détaillants, centres diamantaires, etc. Pour porter les intérêts de tous, il faut cesser les discussions et querelles de chapelles. Des Kilalea explique que le décalage entre le point de vue des mineurs et celui du reste de l’industrie peut aussi s’expliquer par la définition même de l’activité minière en général : « Quand une mine est enfin ouverte, compte-tenu de l’investissement en capital-risque, beaucoup de gens attendent un retour sur investissement immédiat. »
La transparence ? Un avantage compétitif
« Même si cette industrie est différente des autres, ce n’est pas une excuse pour ne pas se conformer aux lois financières auxquelles les autres se conforment ! » répond Kishore Lall suite aux vives réactions du public. Des Kilalea renchérit en expliquant que les compagnies minières se doivent de vendre un produit « propre » qui apportera à « chacun, dans cette salle, du bonheur ». Sabine Smets, représentante d’ABN AMRO, répond directement aux inquiétudes concrètes des personnes présentes dans la salle : « Nous avons reçu une centaine de demandes d’ouverture de comptes. J’ai demandé à mon équipe de prendre son téléphone et d’appeler chaque demandeur, de prendre le temps de comprendre leur histoire, de les écouter. Nous allons examiner chaque demande, mais nous n’allons pas ouvrir des comptes n’importe comment. Oui la transparence est en train de devenir un avantage compétitif. »
Pour conclure, une plus grande transparence reste la clé et sera la garantie d’une relation gagnant-gagnant entre les banques, l’industrie et les consommateurs.
De vives réactions des participants
Mauvaise image renvoyée par la presse en général, indignation face à l’attitude des banques et à l’impossibilité de dialoguer avec ces dernières, le public du séminaire est à fleur de peau. Il est frappant de constater à quel point les représentants des petites et moyennes entreprises anversoises semblent se sentir seuls et démunis face à cette industrie du diamant en pleine mutation, en contradiction avec tout ce qu’ils ont connu jusque-là. La dualité entre deux mondes et la difficulté d’adaptation aux critères des banques comme aux règles de transparence sont palpables. Ouverture d’un compte en banque, fiscalité et financement sont trois problèmes qui devront être abordés avec les forces dirigeantes…