Lorsque je lis des articles à propos des « années sensationnelles », je suis toujours un peu nerveux. Sauf si la citation intervient le 31 décembre, concerne les douze mois précédents, et qu’il ne s’agit pas d’une sorte de prédiction de l’oracle de Delphes pour les mois à venir.[:]
Quoi qu’il en soit, la semaine dernière, j’ai lu que la De Beers prévoyait pour 2015 une « année sensationnelle » pour les diamants.
Je suppose que la première chose que je vais devoir faire sera de définir le mot « sensationnel », que mon bon vieux copain le Concise Oxford English Dictionary décrit comme « inhabituellement grand ou bon ».
Les ragots que j’ai pu entendre sur le sight de la De Beers de cette semaine au Botswana sont loin d’être encourageants.
On m’a dit, pour ce que ça vaut, que les sightholders ont tenté de s’associer pour, ensemble, refuser le sight. D’après les rumeurs, la De Beers est parvenue, grâce à quelques coups de fil bien placés, à faire dégonfler cette bulle, rappelant gentiment à chaque société les conséquences que cela pourrait avoir sur leurs futurs approvisionnements.
Que ce soit vrai ou pas, il est indéniable que l’humeur au cours du sight était sinistre, faisant paraître les derniers mois de 2008 comme une véritable période de liesse.
Les refus, pour un sight qui avoisinerait les 750 millions de dollars, équivalaient, m’a-t-on dit, à près de 30 %.
Pendant que l’on se réveillait au Botswana, on se réveillait aussi au salon de Bâle.
Une fois de plus, je ne peux que répéter ce que m’ont dit plusieurs sources, selon lesquelles le salon se décrivait à l’aide de divers qualificatifs, mais sûrement pas ceux de « réussi » ou de « sensationnel ».
En effet, un récit plutôt charmant parlait d’événement « très calme », mais il restait encore une journée à passer, ce qui laisserait au moins du temps pour que le réveil soit complet.
Nous savons tous que, ces six derniers mois, la fabrication indienne a connu une chute dramatique, d’au moins 40 %.
Les marchés chinois et indien ont sans conteste « régressé », pour rester poli.
Et malgré la bonne santé de l’Amérique, pondérée par les derniers chiffres, qui montrent un effet d’amortissement, l’économie mondiale ne connaît pas vraiment d’essor.
La hausse considérable et brusque du dollar ne peut pas être utile aux autres marchés de consommation, quelles que soient les difficultés locales dont elles pourraient avoir à souffrir par ailleurs, notamment avec la campagne anti-bling-bling en Chine.
Les liquidités ont toujours été un problème majeur pour la consommation, elles le sont toujours et sont peut-être même le seul.
L’insouciance avec laquelle la De Beers a abordé ce sujet dans la présentation de ses résultats annuels revient sérieusement la hanter.
Les prix ont baissé pour le taillé qui s’est vendu, même si c’était en quantités infimes, et ce malgré la considérable réduction de la production et, dans certaines catégories, le recul a été assez catégorique.
Bien que la De Beers et d’autres producteurs semblent penser que de nouvelles hausses de prix sont possibles, il paraîtrait que les Russes ont baissé leurs tarifs.
Il faudra peut-être un événement spectaculaire pour nous sortir de cette conjoncture mais je n’arrive pas à comprendre comment les producteurs ne réalisent pas la gravité de la situation.
La De Beers semble croire que ses clients s’en mettent plein les poches, comme certains chanceux ; cela était sûrement vrai par le passé, mais il est tout aussi sûr que ce n’est pas arrivé depuis au moins dix-huit mois.
Alors que les producteurs se présentent avec des chiffres record, leurs clients se battent pour se maintenir à flot, les marges ventrues d’antan ayant disparu depuis longtemps.
Imaginer que si ses clients continuent d’acheter, la De Beers peut tout se permettre pour continuer à vendre est un paradigme qui ne tient plus vraiment la route ; sachant qu’il émane d’un producteur dont nous pensons qu’il contrôle près de 40 % du marché et qui semble capable de dissuader les frondeurs avec quelques appels téléphoniques.
Je l’ai déjà suggéré, l’une des curieuses anomalies de la De Beers tient au fait que, d’une certaine façon, son monopole s’est renforcé à mesure qu’elle perdait des parts de marché.
Son succès de l’année dernière, alors que le reste d’Anglo American était en mauvaise posture, doit la mettre sous pression, le but étant de parvenir au même résultat, voire de faire encore mieux. Mais des actions inconsidérées pourraient vraiment aboutir à une année sensationnelle, en précipitant l’arrivée d’une catastrophe inhabituellement grande.
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