1. L’humeur est globalement positive dans toute la filière, situation que je n’avais pas constatée depuis un certain temps. D’amont en aval, les miniers font état d’une hausse des revenus et de la production, mais aussi d’une augmentation des prix du brut.[:] La De Beers, ALROSA, Rio Tinto Diamonds, Petra et Gem Diamonds affichent tous d’excellents résultats – sachant qu’ensemble, ils représentent la majeure partie de l’offre de brut sur le marché. Les vendeurs de taillé affirment posément avoir obtenu des résultats satisfaisants cette année, autrement dit un bon chiffre d’affaires. Les prix du taillé se sont repris cette année, dès la fin mars, après le salon de Hong Kong. L’indice IDEX Online montre une progression sur quatre mois, chose inédite depuis le premier semestre 2011, juste avant la chute des prix en août 2011. En août de cette année, les tarifs ont quelque peu reculé, mais il faut y voir un ralentissement habituel de l’activité en été (beaucoup de négociants sont en vacances ce mois-ci), plutôt qu’une faiblesse de la demande.
2. Le secteur américain de la vente au détail des bijoux montre également des résultats satisfaisants. Bon nombre de fournisseurs de diamants réorientent donc leur activité sur ce marché. Ce virage est dû à différentes raisons. L’Inde se développe lentement et de façon constante. En Chine, la hausse de la demande pour les bijoux en diamants se poursuit malgré un certain changement d’origine de la demande des produits de luxe, qui entraîne un ralentissement.
Il a toujours été évident que la classe moyenne en Chine se développe et que ses dépenses augmentent proportionnellement. Ce que l’on a moins évoqué, c’est le rôle que jouent les pots-de-vin dans la demande pour les produits de luxe. Récemment, le gouvernement chinois a décidé de s’attaquer aux « cadeaux » faits aux fonctionnaires, officiers de police, employés des douanes, employés municipaux et autres personnes qui ont la capacité de rendre la vie des autres plus facile. Dans un pays aussi bureaucratique que la Chine, les rouages administratifs tournent généralement lentement, sans résultat. Il est donc assez habituel de les « graisser ». Et pour les « lubrifier », les choix se portent en priorité sur les articles de luxe importés, comme l’alcool, les cigares, les bijoux en diamants et autres articles fantaisie. Les nouvelles lois et les répressions menées récemment à cet égard ont nui à la vente d’articles de luxe dans le pays.
3. Lors de mes voyages en avion cet été, j’ai aperçu une publicité dans un magazine qui raconte une partie de l’histoire actuelle des diamants aux États-Unis. Une annonce pleine page affirme : « Qualifier cela de diamant serait une insulte. » La publicité évoque en long et en large l’offre de diamants artificiels de la société. Ce qui m’a déçu, c’est qu’ils prenaient apparemment leurs distances avec les diamants, tout en qualifiant sans cesse leurs produits de « diamants ». L’approche s’oppose radicalement à celle d’autres vendeurs de diamants de laboratoire à ce jour.
4. Une étude récente sur l’achat et la vente de diamants par les joailliers américains indépendants a dépeint une image surprenante du rôle des diamants recyclés dans leur activité. L’année dernière, j’ai travaillé avec un cabinet d’étude de la vente de détail, appelé NPD, sur un projet relatif au taillé. D’après les données préliminaires, les détaillants achètent leurs diamants bien moins chers aux particuliers qu’aux professionnels. Ainsi, par exemple, ils ont payé 41 % de moins pour des rondes d’un demi-carat.
Et même si ces marchandises sont revendues aux consommateurs avec une remise, les marges restent exceptionnelles. D’après les données de notre échantillon, ces marchandises ont représenté 18 % des ventes de diamants de ces détaillants. Les chaînes de détaillants devraient donc commencer à reconsidérer leur approche actuelle, qui consiste à ne pas acheter aux particuliers.
J’en viens à une autre publicité qui vous suggère de « vendre les diamants dont vous ne voulez plus contre du cash. » Cette publicité, bien plus discrète, provient du joaillier Dayton, en Ohio, « un acheteur premium de bijoux en diamants de qualité », selon l’annonce. Ils offrent « des évaluations honnêtes, un service de premier ordre et une expérience de l’industrie digne de confiance ». La société n’est pas un acheteur occasionnel de marchandises recyclées, elle fait partie d’un nombre croissant de sociétés, qui ont fait de cette activité un modèle professionnel.
5. Au vu des chiffres qui précèdent, les grandes chaînes de détaillants envisagent peut-être d’entrer dans le secteur des marchandises recyclées. La De Beers a déjà fait le premier pas, annonçant une initiative baptisée International Institute of Diamond Valuation (IIDV). Si les diamants recyclés constituent une composante intéressante des ventes de détail aux États-Unis, ils ont peut-être une influence sur les activités de la De Beers. Qui a dit que les institutions monolithiques étaient figées et longues à la détente ? Considérons cette décision comme une avancée intéressante de Philippe Mellier, son PDG.
Actuellement décrit comme un projet de recherche de six mois, visant à étudier les attitudes des consommateurs envers la vente de diamants, le projet aborde un problème qui nuit aux investissements dans les diamants de 1 à 3 carats : la capacité des investisseurs à obtenir des bénéfices. On croit généralement, à tort, que l’on achète au prix de détail pour revendre aux détaillants. Or, ce n’est pas dans la vente de détail que se font les investissements. Avec une remise à deux chiffres sur les prix de gros, ce n’est pas non plus les détaillants qu’il faut blâmer pour cette situation.
De ce fait, le projet de la De Beers entend notamment proposer « les meilleurs prix possibles… » pour des diamants recyclés. Cela pourrait se traduire par une réduction de la remise de 40 % sur les prix de gros que les détaillants obtiennent aujourd’hui.
6. L’aspect le plus intéressant de l’initiative est que la De Beers aura une liste de prix connue de tous ! Imaginez l’impact sur le marché et sur les prix en général. Si la De Beers ne veut pas que l’on pense qu’elle fixe les prix du marché, l’initiative n’aura pas d’avenir. Mais que se passera-t-il si les responsables des tarifs les plus utilisés abaissent le prix d’un article et que la De Beers augmente son prix de gros sur ce même article ? Qui le marché suivra-t-il ? Je suis prêt à parier que de nombreux acteurs clés emboîteront le pas à la De Beers.