La semaine dernière, une cour d’appel fédérale a conclu qu’une section de la loi sur les minéraux du conflit de la Securities and Exchange Commission (SEC), en réponse à la section 1502 du programme de réforme financière Dodd-Frank, était anticonstitutionnelle.[:]
Était mise en cause l’obligation pour les entreprises publiques de déclarer, dans leurs documents SEC et sur leurs sites Internet, que leurs minéraux ne sont pas issus d’un conflit. La cour a le sentiment que le terme non issu du conflit dénote un jugement de valeur. Elle estime qu’imposer aux entreprises l’emploi d’un terme avec lequel elles ne sont peut-être pas d’accord, ou une « métaphore », comme l’ont qualifié les magistrats, constitue un discours imposé qui va à l’encontre du Premier Amendement de la Constitution américaine, relatif à la liberté d’expression.
Les premières dépêches, notamment celle de JCK, ont vu en cette décision un rejet de taille de la section 1502. Les camps opposés ne semblent pas voir les choses autrement : la National Association of Manufacturers, qui avait contesté la loi au tribunal, a déclaré qu’elle était « satisfaite ». L’ONG Enough Project a quant à elle qualifié cette décision de « retour en arrière majeur ».
S’en est rapidement suivi un autre consensus, qui affirmait qu’en fait, la décision validait la clause sur les minéraux du conflit. On pourrait même voir là une victoire pour ses partisans, ne serait-ce que parce que la cour a rejeté une série de contestations de la loi, n’invalidant qu’une seule clause. Cela signifie que les entreprises concernées devront très certainement remplir, malgré tout, les documents de la SEC, à moins que n’aient lieu de nouvelles péripéties juridiques, ce qui n’est qu’une vague possibilité.
Si les choses sont aussi confuses, maintenant qu’une des sections est partie à la poubelle, c’est qu’on ne sait pas vraiment quoi faire de cette pièce du puzzle. Vraisemblablement, les entreprises devront continuer à remplir les documents, mais le doute règne sur ce qu’elles devront dire. Et la question n’est pas uniquement sémantique. Les instigateurs de cette loi voulaient embarrasser les entreprises qui n’avaient pas, d’après eux, les bons systèmes en place. En laissant une entreprise choisir sa propre formulation, on ne peut pas lui imposer la même honte qu’avec l’énoncé demandé par les activistes : « non-garanti de ne pas provenir du conflit en RDC ».
La date butoir approchant – les premières déclarations sont attendues pour le 31 mai –, ce sera au tribunal de première instance auquel la question a été renvoyée, ainsi qu’à la SEC, de tirer cela au clair. Malgré tout, la SEC s’est enveloppée d’un silence étrange, ne donnant aucune indication quelle qu’elle soit. On peut donc imaginer que la date de remise des documents pourrait être reportée. Dans ce cas, la décision serait un véritable échec pour les activistes, qui n’ont cessé de se plaindre de la lenteur avec laquelle la loi était mise en œuvre. Autre conséquence : les entreprises concernées sont piégées dans les limbes, et la confusion règne déjà chez nombre d’entre elles. Selon une enquête de Price Waterhouse, la majorité des entreprises concernées ne seraient pas suffisamment préparées pour pouvoir respecter la date butoir.
J’ai une certaine sympathie pour les objectifs des ONG, et pour les ONG en général mais, d’après mes lectures, la section 1502 est un très mauvais exemple de législation et ses effets sont désastreux. À cause d’elle, de nombreuses entreprises ont paniqué et fui le Congo en toute hâte, faisant perdre leur emploi à des milliers de personnes dans le pays. Là-bas, on appelle cette loi « la loi d’Obama » (et ça n’a rien de positif).
Puisse cet épisode servir de leçon aux législateurs et les pousser à réfléchir avant d’agir. Mais il doit surtout servir de signal d’alarme pour l’industrie. Notre secteur se demande souvent pourquoi le gouvernement et les ONG s’en prennent sans arrêt à nous. C’est parce que nombre de nos chaînes d’approvisionnement ne subissent aucun contrôle. L’opacité règne et la porte est ouverte à toutes sortes d’abus. Elles attirent donc les seigneurs de guerre, les terroristes, le crime organisé, les blanchisseurs d’argent et tous leurs comparses malintentionnés. Ces dernières années, la lutte contre la criminalité tient les diamants particulièrement à l’œil. Il est donc logique qu’ils attirent également l’attention d’autres organes du gouvernement.
Si l’industrie ne fait pas en sorte de mieux s’occuper de ses chaînes d’approvisionnement, les législateurs s’en chargeront pour nous. Ils n’ont peut-être pas toujours nos intérêts à cœur et, à vrai dire, ils n’en ont peut-être rien à faire. Et comme nous l’avons vu, une fois qu’une loi est adoptée, il est difficile de s’en débarrasser. Les opposants ont essayé de supprimer cette clause auprès de la SEC, et ils ont essayé au tribunal. Jusqu’ici, ils ont échoué. Cette saga nous donne un avertissement très clair : agissons maintenant, ou de nombreuses autres 1502 nous attendent.