Une expérience inhabituelle, réalisée à l’Institut moscovite de l’acier et des alliages.
Rares sont ceux, parmi les gens ordinaires, qui peuvent se permettre d’acheter un diamant de couleur, écrit Natalia Vedeneyeva sur www.mk.ru. Ces « joyaux » sont très coûteux. [:]Les personnes de la classe moyenne s’offrent généralement des diamants incolores, à 7 000 RUB à 8 000 RUB pour 0,1 carat. Les chercheurs de l’Institut moscovite de l’acier et des alliages ont décidé de remédier à la situation et mis au point un procédé unique de coloration des diamants naturels. Leur prix est d’environ 30 % supérieur à celui des diamants incolores, mais n’est pas décuplé comme peut l’être celui des diamants naturellement colorés. La journaliste du MK Weekly s’est rendue dans le laboratoire des matériaux extra-durs ; elle a ainsi découvert comment l’on colore les diamants taillés, de sorte que personne ne puisse faire la différence avec une couleur naturelle.
Les diamants de couleur sont tellement rares dans la nature que, récemment, un petit diamant bleu taillé de 2 ct a été adjugé environ 10 millions de dollars. Or, à l’Institut moscovite de l’acier et des alliages, il faut trois jours pour répliquer le travail de la nature, qui prend normalement des millions d’années. Voici quelques explications.
Il se trouve que chaque diamant (y compris les incolores) contiennent en eux des « colorants ». Il s’agit d’atomes d’azote. Tout dépend ensuite de leur concentration et de leur agencement. En laboratoire, ces atomes sont amenés à se déplacer vers les parties requises du réseau cristallin du diamant.
Toutefois, selon Nikolai Polushin, chef du laboratoire, il est impossible de modifier la couleur de tous les diamants naturels. Seuls sont concernés ceux qui ont une très faible concentration en azote, soit moins de 100 atomes pour un million d’atomes de carbone (cela représente moins de 3 % du brut dans la nature). Un diamant naturel est donc d’abord étudié avec un spectromètre à usage spécial. Un échantillon approprié est ensuite exposé à température élevée et haute pression (jusqu’à parvenir au réagencement nécessaire des atomes d’azote dans le réseau cristallin) et à une irradiation dans l’accélérateur à rayons cathodiques (afin de créer des sites vacants dans le réseau cristallin du diamant, appelés « lacunes »).
– En fait, la coloration des cristaux dépend de certains défauts dans le réseau cristallin, affirme Nikolai Polushin.
– Pour transformer une pierre transparente en pierre de couleur, il suffit de déplacer un atome de carbone, de son réseau cristallin, à l’aide d’un rayonnement terrestre ou spatial, de manière à former une lacune. Il faut ensuite placer un atome d’azote unique à ses côtés. Tous ces processus sont réalisés dans notre accélérateur, une presse et un four sous vide. L’objectif de ces opérations est de créer, grâce à cette double anomalie, certains centres de coloration dans la matrice du diamant. Les centres doivent être agencés de manière uniforme. Et plus il y en a, plus la couleur est saturée.
Cette méthode permet uniquement d’obtenir des diamants roses. Les bleus sont fabriqués grâce à une autre technique : « l’implantation de couleur ».
– Dans la nature, ces cristaux contiennent de faibles concentrations de bore, explique Nikolai Polushin. Cela aurait pu être une solution, mais nous avons suivi une autre voie : nous implantons des atomes d’hydrogène dans le réseau cristallin du diamant. Ces atomes permettent également de fabriquer des diamants bleus.
– Comment les implantez-vous ?
– L’opération a lieu dans l’appareil haute pression, dans la presse. Nous y déposons un diamant, au-dessus d’un mélange spécial, qui se décompose à haute pression et haute température, avec dégagement d’hydrogène atomique. Ensuite, sous l’effet de ces conditions, les atomes d’hydrogène pénètrent dans le réseau cristallin du diamant.
Les diamants roses et bleus étaient les plus nombreux dans la sélection de pierres colorées artificiellement qui nous a été présentée par Nikolai Polushin.
– Et qu’en est-il des diamants jaunes ?
– Il y a beaucoup plus de diamants jaunes dans la nature, et ils sont moins chers que les incolores. Il n’est pas donc pas très utile d’en fabriquer, même si c’est possible.
– Et comment peut-on colorer des cristaux en noir ?
– Le principe est encore plus simple : nous obtenons une forte concentration de lacunes, puis nous chauffons la pierre, de manière à provoquer la conversion d’un diamant en graphite dans ces sites. De nombreux sites apparaissent avec du graphite à l’intérieur. D’où l’impression que le cristal est totalement noir. Or, je veux mettre en garde ceux qui apprécient cette teinte : les prix exorbitants des diamants noirs en magasin ne sont pas justifiés. Très peu de gens savent que, le plus souvent, ils sont produits à partir de brut de qualité inférieure, comme des cristaux incolores contenant des impuretés. La couleur noire a pour seul but de masquer ce défaut, même si le résultat est très joli.
– Existe-t-il des diamants noirs naturels de grande qualité ?
– Oui, mais ils sont rares.
– Qui vous fournit le brut ?
– Depuis le départ, tout notre brut provient de Belgique. Nous avons déjà envoyé un lot de cristaux colorés en laboratoire à des fournisseurs, pour une recherche marketing. Nous aimerions coopérer avec les miniers russes, mais sans grand succès jusqu’à présent. Ils se réfèrent à un accord entre sociétés, en vertu duquel ils se sont engagés à ne pas financer le changement de couleur des diamants naturels et à ne pas en effectuer. De leur point de vue, cela a sans doute du sens – les diamants de couleur naturels sont très rares et vraiment très chers.
– Votre technique pourrait donc considérablement faire baisser les prix, n’est-ce pas ?
– Non, car tout est honnête et transparent. Nous signalons lorsque nos diamants naturels sont colorés artificiellement. Cela revient à comparer des diamants naturels et des diamants synthétiques.
– Est-il possible, sans appareil, de distinguer des diamants colorés artificiellement ?
– Non, il faut des instruments spéciaux. Mais ces analyses sont ambiguës. Nous avons donné plusieurs cristaux de notre lot au centre de gemmologie, à Anvers. Les experts n’ont pas réussi à distinguer nos diamants des diamants taillés haut de gamme, naturellement coloré.
Par ailleurs, cette année, l’Institut moscovite de l’acier et des alliages est devenu la première université russe à proposer une formation complète aux licenciés en sciences des nanomatériaux. Il est donc fort possible, qu’à l’avenir, les diplômés de ce département améliorent encore les techniques de coloration des diamants.