Il est logique que les prix baissent lorsque le marché recule. Or, l’industrie s’est montrée prudente ce mois-ci, sur fond d’espoirs économiques en berne en Chine et en Inde.[:]
Certes, le marché connaît une certaine saisonnalité : les échanges ralentissent généralement en juillet et en août. Les négociants en Israël et en Belgique sont visiblement soulagés de faire une pause dans les deux à trois semaines. Ils espèrent revenir dans de meilleures conditions et constater la stabilité des prix. En fin de compte, le marché est actuellement davantage influencé par la faiblesse de l’environnement économique – qui persistera probablement –, que par la saison.
Une grande part de la faiblesse est liée à la Chine. L’incertitude économique a pris racine. Comme nous l’expliquions dans l’éditorial de la semaine dernière, Diamonomie, l’état d’esprit du monde, en matière économique, s’est dégradé suite à un affaiblissement des perspectives pour la Chine. La croissance économique du pays n’a pas atteint les prévisions ; elle a ralenti à 7,5 % au deuxième trimestre 2013.
Des anecdotes en provenance de Chine montrent que de nombreux investisseurs et spéculateurs, qui travaillaient avec les diamants dans le passé, ont abandonné le marché pour sa faible rentabilité. Le marché des bijoux chinois semble également surchargé, sans volonté d’acheter de grandes quantités pour l’instant. En outre, les acheteurs chinois sont naturellement conservateurs à l’achat dans un marché baissier. Quant à l’incertitude économique, elle a pris racine et l’ambiance s’est dégradée.
Les facteurs spécifiques à l’industrie, tels que des liquidités indiennes limitées et une fabrication de bas niveau, découlent eux-mêmes de facteurs économiques qui influent sur le commerce : la dépréciation de la roupie, entre autres.
Peu étonnant donc que des fissures apparaissent sur le marché. Bien sûr les prix du taillé sont restés relativement stables pendant les premiers mois de l’année. Or, depuis la mi-mai, ils sont sur la pente descendante. Coïncidence ou non, c’est aussi à peu près à cette époque que la roupie a entamé sa spirale descendante. L’indice RAPNET pour les diamants certifiés de 1 carat (RAPI™) a chuté de 2,2 % depuis le début de l’année, après un recul de 2,7 % depuis le 20 mai.
Par conséquent, indépendamment de ce qui influe sur les prix, le fait de les gonfler artificiellement alors qu’ils devraient baisser pourrait créer un environnement de marché intenable.
Beaucoup attendent de voir ce qui va se passer. Les prix vont-ils continuer à baisser au troisième trimestre, ou pendant tout le reste de l’année, ou pas du tout ? La saisonnalité du quatrième trimestre devrait venir soutenir le marché, à l’instar de la reprise américaine.
Mais s’il continue de baisser – ainsi que beaucoup le pensent – il faudra déterminer comment évoluer dans un marché en recul ? Comment gagner de l’argent lorsque les prix chutent ? Dans cette rubrique, nous avons déjà évoqué cette difficulté, lorsque les marchés ont changé de direction. Il est bon de le répéter aujourd’hui.
La réponse consiste à appliquer les nouveaux niveaux de prix au stock, au lieu de maintenir les coûts historiques. C’est ainsi que l’industrie indienne s’est sortie de la crise de 2008-2009. Les professionnels ont assumé leurs pertes et revu leurs ambitions à la baisse, au lieu de geler leur activité comme dans d’autres centres.
Martin Rapaport, le président du groupe Rapaport, l’a expliqué : « Comment gagner de l’argent lorsque les prix baissent ? Vendre peu cher et acheter moins cher. Imaginons que vous possédiez un diamant qui vous a coûté 1000 $ et que vous puissiez aujourd’hui le remplacer pour 700 $. Vendez-le 770 $, empochez le bénéfice et remplacez-le ou conservez les liquidités. Aussi longtemps que vous pourrez le remplacer, vous pourrez vous dire que vous n’avez pas perdu d’argent. Ne vous accrochez pas à un vieux stock en raison de ce qu’il vous a coûté. Un diamant ne vaut que la somme à laquelle il s’achète ou se vend.»
Beaucoup sont en quête de bonnes affaires. Les négociants israéliens se sont rendus à Mumbai et à Anvers cette semaine à la recherche de taillé, avant leur pause estivale. Les acheteurs américains font de même. Pendant ce temps, à Anvers, le marché du taillé a été qualifié d’assez actif ; les années précédentes, les diamantaires auraient déjà été en mode vacances.
Certes, les tailleurs sont sous pression. Ils doivent couvrir la hausse du coût de leurs achats de brut. Ils tentent donc peut-être de maintenir les prix du taillé. Mais, face à des liquidités limitées, peut-être sont-ils aussi prêts à faire des compromis pour obtenir de la trésorerie.
Les tarifs de la De Beers ont augmenté lors du sight de la semaine dernière. Les prix des tenders dans d’autres sociétés ont aussi été élevés en juillet. Savoir ce qui influence les prix actuels du brut et établir si cela va durer fera l’objet d’un futur éditorial. Pour l’heure, contentons-nous de noter que les prix du brut ne peuvent pas toujours dépasser ceux du taillé pendant une période prolongée. Une fois que les acheteurs seront à court d’argent, les prix du brut devront s’aligner sur ceux du taillé.
Il est donc nettement plus judicieux de vendre et, si nécessaire, d’acheter le taillé peu cher, plutôt que de fabriquer du brut pour l’instant. Pourquoi aggraver vos pertes ? Assumez une perte ponctuelle, en révisant vos ambitions à la baisse sur le taillé, faute de quoi vous continuerez à connaître des pertes dans la fabrication.
À l’heure actuelle, les professionnels doivent réaliser que les prix ne pourront pas constamment continuer à augmenter. Le marché va devenir volatil, comme cela a été le cas depuis 2008. C’est ainsi qu’il fonctionne. Comme pour l’or, le pétrole, l’immobilier et autres, les négociants de diamants doivent respecter les hauts et les bas de leur marché. Ils doivent apprendre à gagner de l’argent, même lorsque les prix tirent inévitablement vers le bas.