Le World Diamond Council (WDC) a été créé en 2002 afin que les deux leaders du secteur, la World Federation of Diamond Bourses (WFDB) et l’International Diamond Manufacturers Association (IDMA), puissent mettre en commun leurs efforts au sein du Kimberley Process. [:]Eli Izhakoff, président du World Diamond Council, a eu l’obligeance de répondre aux questions de Rough & Polished.
D’après vous, comment s’équilibrent l’offre et la demande sur le marché international aujourd’hui ?
Bien que nous ayons de toute évidence traversé une année difficile, le marché paraît se stabiliser. Bank of America/Merrill Lynch prévoit une hausse des prix de 2,1 % cette année. Après l’augmentation de 14 % de l’automne 2012, cela semble indiquer que l’équation entre l’offre et la demande commence à s’équilibrer. La tendance sur le long terme ne laisse cependant aucun doute : la demande de taillé va augmenter, fortement stimulée par les marchés émergents les plus importants, la Chine et l’Inde en tête, mais aussi la Russie, la Turquie ou encore le Brésil et d’autres. Pendant ce temps, le stock de brut va s’amenuiser. Inéluctablement, les prix devraient donc graduellement augmenter.
Pensez-vous que, cette année, le secteur de la fabrication va réussir à sortir de l’impasse où il s’est engouffré l’an passé ?
Le marché aura le mot de la fin. S’il y a une reprise, et les indicateurs vont dans ce sens, cela motivera les fabricants à satisfaire la demande.
Quel regard portez-vous sur les politiques de vente d’Alrosa, de la De Beers et de Rio Tinto ?
Je préfère ne pas évoquer chacune de ces sociétés individuellement, mais je peux vous faire part de quelques observations générales. La politique des sociétés minières est prudente et conservatrice, même si le secteur préférerait clairement que l’écart de prix entre le brut et le taillé se creuse. En 2012, elles ont dû faire face à des baisses des ventes résultant en grande partie d’un recul de la demande. Cela se constate bien entendu au niveau de leurs résultats et elles peuvent être tentées de tirer les prix vers le haut. Mais une telle stratégie serait contre-productive ; les sociétés se déchargeraient alors sur les fabricants, déjà sous pression. Dans l’ensemble, elles ne semblent pas agir ainsi. Les sociétés minières sont responsables et elles savent que leur évolution sur le long terme dépend de la stabilité des centres de taille.
Pensez-vous que, si les diamants synthétiques de qualité attirent davantage les consommateurs, le marché des diamants naturels en subira les conséquences ?
En principe, je ne pense pas que les diamants synthétiques puissent menacer les diamants naturels, tant que le secteur continue de les présenter comme des produits différents. Chacun a sa place sur le marché, et chacun est légitime. Mais les consommateurs doivent bien comprendre qu’un diamant naturel n’est pas un diamant synthétique, et inversement. N’oublions pas que des produits comme l’oxyde de zirconium synthetique et la moissanite ont été créés pour offrir une alternative au diamant. Aucune n’a disparu, et aucune n’a menacé le marché du diamant naturel. Si on les traite comme il se doit, il devrait en être de même des diamants synthétiques.
Le WDC a proposé d’aider à organiser le travail du secrétariat du KP, s’il est mis en place. Pouvez-vous nous expliquer quel serait le rôle du WDC dans un tel contexte ?
Le World Diamond Council sera responsable de ce qu’on appelle le mécanisme de soutien administratif. Son rôle est d’assurer au quotidien un soutien pour tout ce qui concerne la logistique, l’organisation et les communications du KP. Dans les faits, cela deviendra une administration permanente. Il y a longtemps que le KP envisage une telle réforme, la création d’un mécanisme qui fonctionnerait de manière efficace, en continu, sur le long terme. Auparavant, une nouvelle bureaucratie était formée chaque année, dès qu’un nouveau pays prenait la présidence du KP. Le WDC pourra assurer le mécanisme de soutien administratif grâce à la collaboration de quatre de nos membres, à savoir le Gem and Jewelry Export Promotion Council indien, l’Israel Diamond Institute, le Antwerp World Diamond Centre et la Diamond House du gouvernement ghanéen. Nous avons là un effort international commun, qui laissera de la place à un représentant africain fort.
On reproche parfois au World Diamond Council de ne pas aborder le problème des certificats délivrés par le Kimberley Process pour des diamants illégitimes. Auriez-vous des commentaires à ce sujet ?
Le World Diamond Council attend du Kimberley Process qu’il applique strictement son système de certification. Nous avons toujours campé sur cette position. Nous n’avons jamais toléré ni ignoré le sujet des certificats du KP destinés à des diamants du conflit. Nous ne sommes pas tous d’accord sur la définition des diamants du conflit. En tant qu’organisation, nous avons donné notre accord de principe sur le fait qu’il s’agit de diamants impliqués dans des conflits armés ou dans d’autres situations de violence. Nous croyons également que la séance plénière du KP doit s’entendre sur une définition claire.
Dernièrement, les diamants zimbabwéens semblent avoir été un sujet de discorde entre le Kimberley Process et les personnes qui souhaiteraient élargir la définition des « diamants du conflit ». Quel est votre point de vue ?
Si l’on regarde la situation au Zimbabwe, il est clair que la situation géopolitique a évolué depuis l’an 2000 et que nous devons nous demander si les termes et les définitions applicables à l’époque le sont toujours. Le KP n’a pas de différend avec ceux qui souhaiteraient élargir la définition des diamants du conflit, tout simplement parce que nombre d’entre eux en sont membres. Mais il est évident qu’il s’agit d’un sujet épineux, et que chaque partie devra faire preuve de compréhension et d’empathie envers les autres. Comme je l’ai dit, nous étions favorables aux suggestions de l’ancienne présidente du Kimberley Process, l’ambassadeur Gillian Milovanovic. Elle souhaitait inclure les diamants impliqués dans des conflits armés ou d’autres situations de violence. Nous trouverons un terrain d’entente, j’en suis convaincu, mais nous devons être patients.
Pensez-vous que le Kimberley Process soit assez efficace pour relever un tel défi ?
Le KP n’est pas parfait et le processus de réforme dont nous discutons, notamment le mécanisme de soutien administratif, devra le rendre plus efficace. Mais n’oublions pas que le KP a néanmoins été suffisamment efficace pour que les diamants du conflit n’arrivent plus sur le marché qu’au compte-gouttes. Il reste une marge de progression, mais c’est ce que nous avons de mieux.