Communiqué de presse – Rappelant que le consensus peut être long à obtenir, Gillian Milovanovic, la présidente du Kimberley Process (KP), explique qu’une nouvelle définition doit apporter une amélioration durable à l’industrie et non la déstabiliser.[:]
Voici le texte de son discours lors du congrès mondial du diamant cette semaine :
« Je vous remercie de m’avoir invitée à être présente parmi vous aujourd’hui à cette réunion conjointe de la World Federation of Diamond Bourses et de l’International Diamond Manufacturers Association ici à Mumbai. Je voudrais également profiter de l’occasion pour remercier le Gems & Jewellery Export Promotion Council et la Bharat Diamond Bourse d’accueillir cette importante réunion.
C’est un honneur pour moi de pouvoir dire quelques mots ici à Mumbai, la ville qui accueille la plus grande bourse de diamants, et devant un si grand auditoire.
Vous, qui représentez toutes les étapes de l’industrie dans le monde, êtes absolument essentiels au bon fonctionnement continu du Kimberley Process et à son évolution, pour répondre aux défis actuels.
Peut-être certains d’entre vous comptaient-ils parmi les représentants de l’industrie, du gouvernement et de la société civile qui se sont réunis à Kimberley, en Afrique du Sud en 2003, pour donner vie au Kimberley Process, dont les États-Unis assurent actuellement la présidence.
Aujourd’hui, le KP a bientôt dix ans et vous êtes appelés à relever un nouveau défi. Je suis ici pour demander à chacun d’entre vous de soutenir une évolution du KP qui va nous permettre de nous maintenir dans la bonne voie, afin de faire perdurer la confiance des consommateurs dans votre produit.
Je reconnais volontiers ne pas être une femme d’affaires, je n’ai donc pas vraiment de leçons à vous donner. Mais laissez-moi vous dire que je me suis rendue dans de nombreux pays du KP, et en particulier ici, en Inde, où j’ai eu l’occasion d’aller à Surat (je sais que beaucoup d’entre vous iront également cette semaine). Cela m’a permis de comprendre l’importance de votre industrie dans les vies et l’avenir de millions de personnes à travers le monde.
C’est là une lourde responsabilité, et il me semble que je la partage avec vous ; je l’ai prise au sérieux pendant toute ma présidence, mais vous devez vivre avec elle pendant toute votre carrière, peut-être de la même façon que l’ont fait vos pères avant vous et que le feront vos enfants à l’avenir. Je sais que le changement doit être soigneusement préparé, conçu et mis en œuvre. Mais il doit intervenir, précisément parce que le nombre de personnes à en dépendre est de plusieurs millions.
Il faut dire et répéter que le KP a vraiment réussi à éviter l’entrée des diamants qui financent les groupes rebelles dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Ce succès a joué un rôle important pour faire reculer les conflits qui préoccupaient le KP lors de sa création. Il a également contribué au maintien de la réputation des diamants, un symbole de pureté, de dévouement et d’amour durable.
Je l’ai appris auprès de vous, au cours de mes voyages en tant que présidente du KP, si l’industrie du diamant, de la production jusqu’à la vente de détail, veut rester forte et saine, elle doit préserver la réputation des diamants. En ma qualité de présidente, je maintiens que le KP ne doit pas cesser de travailler sur ses résultats, et non pas simplement s’en enorgueillir, et qu’il est temps qu’il évolue.
Au sein du KP, et cela vous concerne tous, vous les acteurs de l’industrie, nous devons discuter et finir par adopter une nouvelle définition des « diamants du conflit », qui englobera des situations conflictuelles convenues, impliquant directement les diamants. La définition doit s’appliquer de façon claire et prévisible à tous les participants, et garantir que les assurances du système de certification du KP s’alignent sur l’évolution des attentes des consommateurs.
Je sais bien que les perspectives de changement vont souvent de pair avec des inquiétudes, surtout si les propositions ne sont pas bien comprises ou si l’on craint un brusque revirement. Mais je vous demande de vous souvenir que j’ai parlé d’ÉVOLUTION, et non de RÉVOLUTION. Je suis en quête d’évolution ; en effet, si nous nous reposons sur nos lauriers, personne n’en sortira vainqueur.
Je vous demande également de continuer à participer, en tant qu’industrie : faites des propositions, puis questionnez, évaluez et complétez celles des autres. Vous êtes les experts, vous êtes capables de déterminer les modalités de la mise en œuvre. Si vous rencontrez des difficultés ou si vous disposez d’une meilleure solution à un problème, adressez-moi vos suggestions et vos propositions.
Au KP, nous ne sommes pas du style : « c’est à prendre ou à laisser ». À titre d’exemple, lors d’une négociation il y a deux semaines au comité d’examen du KP, les participants ont fait des concessions importantes et montré une volonté affirmée d’écouter les suggestions positives et de modifier les propositions ; toutes les idées devaient être claires et faciles à comprendre.
Bien, je sais que certains d’entre vous craignaient que ce changement de définition ne soit qu’un moyen de faire renaître d’anciens litiges acerbes, voire de pointer du doigt certains pays. D’autres redoutaient que le changement n’ait un effet négatif disproportionné sur les pays producteurs. D’autres encore appréhendaient que les pays producteurs ou négociants soient lésés dans le processus.
Je suis heureuse que ces préoccupations soient exprimées ouvertement, cela nous permet d’apporter des réponses claires et, au besoin, de travailler ensemble pour modifier les propositions. De façon plus générale, permettez-moi de vous dire que, même si je comprends ces craintes, en particulier dans cette période stressante pour votre secteur d’activité, je suis convaincue qu’ensemble, nous pouvons générer un changement qui apporte une amélioration durable et n’ébranle pas l’industrie. Je crois que le statu quo, peu importent les véritables résultats de ces dix dernières années, finira par miner le KP et l’industrie du diamant, alors que cet organisme a été conçu pour l’aider et la protéger. Des modifications mûrement réfléchies et élaborées, adoptées au moyen d’un consensus dans la plus pure tradition du KP, auront quant à elles un effet très positif sur tous les segments du monde du diamant.
Bon nombre de nos entretiens avec le gouvernement, l’industrie et la société civile suggèrent que la réforme de la définition par le KP est essentielle, pour se concentrer sur la prévention des conflits. Après mûre réflexion, j’en appelle à une proposition qui mette l’accent sur trois éléments clé :
– Tout d’abord, les certificats du KP doivent continuer à garantir que le brut est étranger aux conflits, ils ne doivent toutefois pas aborder le sujet des droits de l’homme, de la transparence financière et du développement économique ; ces thèmes progressent plus efficacement grâce à l’échange de bonnes pratiques.
– Ensuite, les normes de certification supplémentaires, allant au-delà de la définition actuelle, ne doivent s’appliquer qu’aux conflits armés et à la violence manifestement liés au brut et vérifiés de façon indépendante. Elles ne doivent pas s’appliquer à des incidents isolés et individuels, ni à des circonstances ou des situations dans lesquelles il existe un conflit armé sans rapport avec le secteur du diamant.
– Enfin, les garanties du KP pourraient être appliquées, site par site, en se calquant sur les systèmes existant pour d’autres minéraux du conflit, par exemple le système de certification de la Conférence Internationale sur la région des Grands Lacs.
La proposition américaine contient ces éléments entre autres choses, ce qui, à mon avis, en fait un choix attrayant. Ainsi, elle s’inscrit entièrement au sein des processus existants du KP et ses propositions s’appuient sur les conclusions d’une mission d’examen. Les décisions ne peuvent être prises qu’en cas de consensus à la session plénière du KP.
Si vous n’avez pas encore lu cette proposition, je vous invite à la consulter attentivement, elle et toutes les autres, et à vous faire votre propre opinion ; à vous de dire si elle constitue une base solide pour la poursuite des discussions et pour une éventuelle adoption par consensus.
La proposition américaine, comme d’autres, a pour but de faire naître le dialogue avec d’autres gouvernements participants, des représentants de l’industrie tels que vous et les organisations de la société civile. Si vous ne comprenez pas certains points ou si vous n’êtes pas d’accord avec certaines idées, dites-le et donnez-nous l’occasion de répondre à vos préoccupations. Nous avons toujours besoin d’idées pratiques et de suggestions constructives.
Au KP, nous devons aller de l’avant et personne n’est mieux placé que vous tous, présents dans cette salle, pour nous conseiller sur la meilleure voie à suivre. Bien que le KP soit constitué de gouvernements, c’est bien l’industrie qui dirige le système.
Vous devez faire part de vos conseils aux gouvernements des pays dans lesquels vous évoluez. Donnez-leur votre point de vue d’entrepreneurs, de moteurs du développement, de créateurs d’emplois et de professionnels qui savent qu’il est préférable d’anticiper les problèmes, d’atténuer et de gérer les risques, plutôt que d’essayer de réparer les dégâts après coup. Hommes et femmes d’affaires, vous savez qu’il vaut mieux réparer votre toit tant que le soleil brille, plutôt que d’attendre les premières pluies.
Permettez-moi maintenant de dire quelques mots sur d’autres sujets importants.
Toujours sur le thème du développement et des liens avec le KP, les États-Unis, dans le cadre de leur présidence, ont collaboré avec la Banque mondiale, la Diamond Development Initiative et l’US Agency for International Development pour parrainer la première conférence sur le développement ciblée sur le KP, juste après l’intersession de juin.
Le groupe de travail du KP sur la production artisanale et alluviale, habilement dirigée par l’Angola, travaille sur un document de grande envergure qui mettrait à jour l’effort initial du KP pour traiter l’exploitation minière artisanale, la « Déclaration de Moscou » de 2005, et réorienter le KP vers plusieurs objectifs politiques. Notre objectif commun consiste à attirer les communautés minières artisanales vers le secteur formel et à leur faire la promesse du développement durable ; nous voulons les rendre moins vulnérables à l’exploitation et éviter les conflits.
Si vous pensez être mieux informés sur le KP que par le passé, le mérite en revient largement au SITE WEB DU KIMBERLEY PROCESS. Je tiens à rappeler que c’est grâce à la générosité de l’industrie que ces améliorations ont été possibles. L’AWDC a été un partenaire exceptionnel, finançant l’intégralité du site ces deux dernières années. Cet outil a été essentiel à la bonne communication interne du KP et a permis de communiquer les efforts de notre organisme dans le monde entier. Il s’est également révélé un lien fondamental pour les pays ayant besoin d’une assistance technique ; ils ont pu demander et recevoir l’aide de ceux qui disposent des compétences idoines. Merci à l’AWDC et à Stephane Fischler pour votre soutien indéfectible au KP.
À propos de l’assistance, n’oubliez pas que les compétences demeurent peut-être le besoin le plus essentiel des pays en développement. Vos sociétés peuvent fournir ce service aux membres de la chaîne d’approvisionnement qui en ont le plus besoin, avec un bénéfice mutuel. Le développement n’est pas seulement du ressort des gouvernements et des agences humanitaires, c’est aussi du domaine de l’industrie.
Le succès de l’évolution du KP passe aussi nécessairement par une MISE EN APPLICATION efficace. L’Organisation mondiale des douanes et d’autres organisent une conférence en marge de la session plénière de novembre, qui ne rassemblera que des fonctionnaires des douanes ou chargés de l’application de la loi, afin qu’ils renforcent leur coopération transfrontalière.
Les pays du KP saisissent de plus en plus de faux certificats ; nous nous assurons qu’ils soient immédiatement envoyés à l’Organisation mondiale des douanes et téléchargés en un emplacement central du site du KP pour que les agents des douanes du monde entier puissent les consulter. De nombreux pays, l’Inde au premier chef, font état d’une hausse des mesures coercitives contre le commerce illicite. Lentement mais sûrement, nous améliorons la mise en œuvre et le respect des règles.
Le KP a besoin de l’aide de l’industrie et d’une meilleure mise en application. Vos efforts, que ce soit en tant qu’entreprises individuelles ou en association avec d’autres, peuvent faire une réelle différence.
Vous pouvez SIGNALER toute activité illicite aux autorités compétentes et leur demander d’en informer le KP ; vous pouvez FORMER vos employés à identifier les certificats frauduleux, vous pouvez vous ASSURER que vos pratiques d’autorégulation de l’industrie sont à jour. Vous pouvez AIDER les autres membres de l’industrie, dans les pays dont les centres diamantaires sont d’une plus faible importance, à s’assurer que l’autorégulation de l’industrie y fonctionne correctement. TOUTES ces initiatives visant au renforcement des règles et au resserrement du système peuvent AIDER à éviter l’intrusion des diamants du conflit dans le système ; les gouvernements n’y parviendront pas seuls.
Je l’ai dit au départ, le KP est essentiel pour garantir la réputation des diamants et préserver et promouvoir leur commerce, de sorte que les millions de personnes qui en dépendent pour leur subsistance (miniers artisanaux, gestionnaires de mines, négociants, tailleurs, polisseurs, grossistes ou détaillants) puissent continuer de gagner leur vie et de se développer. Je garde cet aspect à l’esprit tous les jours de mon mandat au KP.
Chaque diamant est unique, l’industrie du diamant elle-même est unique. Mais elle dépend du consommateur potentiel. L’achat de diamants est une décision chargée d’émotion qui est un choix et non une nécessité. Il est particulièrement vulnérable aux changements, parfois rapides, de la confiance des consommateurs. Vous savez bien mieux que moi que la garantie d’une confiance constante (grâce à une anticipation systématique de l’évolution des conditions économiques et des attentes des consommateurs) est une preuve de bonne gestion et de planification stratégique. Il faudra peut-être du temps pour atteindre un consensus sur les détails des changements, mais il n’existe aucune véritable alternative. Nous devons aider le KP à évoluer et assurer un avenir prospère à tous ceux qui comptent sur les diamants.
Je vous remercie pour votre accueil chaleureux et pour votre attention. Je suis honorée d’avoir pu parler avec vous et je vous souhaite une conférence très productive. Merci. »