Elena Levina, analyste dans le monde du diamant, est une des plumes du site Rough & Polished. Elle y publie notamment des enquêtes et analyses mensuelles sur l’industrie diamantaire et les tendances du marché. www.rubel-menasche.com a souhaité en savoir plus…[:]
Elena Levina, pourriez-vous nous expliquer votre parcours professionnel et ce qui vous a amenée à intégrer le monde du diamant.
Quand j’étais enfant, mon père était associé dans un atelier de production de diamants artificiels dans une petite ville de Russie. Il s’est vite rendu compte que ce métier n’était pas fait pour lui, mais les histoires qu’il m’a racontées ont suffi à attirer mon attention sur ce secteur.
À l’université, j’ai étudié la physique – comme mes parents -, mais cette voie professionnelle ne me convenait pas. J’ai toujours aimé écrire. J’ai donc commencé à préparer divers textes pour des journaux, d’abord pour le plaisir ; c’est ensuite devenu mon métier. Pendant plusieurs années, j’ai été chroniqueuse professionnelle dans l’une des plus grandes revues russes. Au cours de cette période, j’ai également rédigé des articles sur les marchés des diamants et des bijoux. Je travaille actuellement pour l’une des sociétés de la filière, en qualité d’analyste interne.
Comment et pourquoi êtes-vous entrée chez Rough & Polished ?
Les journalistes et les experts d’une industrie se connaissent généralement bien, surtout lorsque le marché est aussi spécifique que celui du diamant ! Un jour, un ami travaillant chez Rough & Polished m’a appelée pour me demander si le journalisme me manquait ; il avait besoin de faire analyser les données contradictoires et diversifiées sur les prix des diamants en 2010. Le but était d’aider les lecteurs, pas toujours bien informés sur les courants sous-jacents de l’industrie, à s’y retrouver. Cette première expérience a été couronnée de succès et nous avons décidé que je pourrais mener ce genre d’enquêtes à intervalles réguliers.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur Rough & Polished ? Quelle est sa vocation (parlez-nous de ses équipes, de leur situation géographique par exemple, etc.) ?
Rough & Polished est une agence de presse spécialisée qui couvre et analyse les événements de l’industrie du diamant, et donc du marché du diamant en général. C’est un média relativement jeune qui fête en 2012 ses cinq ans d’existence.
À mon avis, le plus grand obstacle à la diffusion des informations n’est ni politique ni idéologique : on le doit à la barrière de la langue. Pouvoir éliminer cet obstacle, au moins partiellement, et donc permettre aux professionnels de l’industrie de différents pays d’obtenir des informations dans une langue connue est une bonne chose. Le site Web de Rough & Polished, publié en russe, en anglais et en chinois, s’est constitué son propre lectorat qui, désormais (gràce à la coopération avec Rubel & Ménasché), comprend également des francophones.
Rough & Polished dispose d’une équipe internationale de correspondants et de rédacteurs en chef qui essaient, en Russie, en Belgique, en Italie, en Israël, en Namibie, au Zimbabwe, en Afrique du Sud, en Chine et aux États-Unis, d’informer leurs lecteurs sur l’évolution de l’industrie.
Qui sont les lecteurs de Rough & Polished ?
Nos lecteurs sont principalement des professionnels qui travaillent dans l’industrie du diamant et dans les secteurs amont et aval, c’est-à-dire des cadres supérieurs, des experts financiers, des consultants en marketing, des spécialistes de l’exploitation minière, des technologues, des tailleurs, des évaluateurs, des joailliers, des grossistes, des détaillants, etc. Nous sommes également lus par le personnel des agences gouvernementales, les législateurs et avocats impliqués dans l’industrie du diamant et, bien sûr, par les acheteurs ou tout simplement par les personnes intéressées par ce sujet.
En ce qui concerne notre couverture géographique, voici une liste des pays dont les lecteurs ont consulté le site de Rough & Polished ces 90 derniers jours : Afghanistan, Albanie, Algérie, Andorre, Angola, Arménie, Australie, Autriche, Azerbaïdjan, Bahamas, Bahreïn, Bangladesh, Bélarus, Belgique, Belize, Bénin, Bolivie, Bosnie-Herzégovine, Botswana, Brésil, Brunei, Bulgarie, Cambodge, Cameroun, Canada, République centrafricaine, Tchad, Chili, Chine (y compris Hong Kong), Colombie, Congo, Costa Rica, Côte d’Ivoire, Croatie, Cuba, Chypre, Kirghizistan, République tchèque, Danemark, Djibouti, République dominicaine, Équateur, Égypte, Guinée équatoriale, Érythrée, Estonie, Éthiopie, Malouines, Fidji, Finlande, France, Guyane française, Polynésie française, Gabon, Gambie, Géorgie, Allemagne, Ghana, Gibraltar, Grande-Bretagne, Grèce, Groenland, Grenade, Guadeloupe, Guatemala, Guinée, Guinée-Bissau, Guyana, Haïti, Hongrie, Islande, Inde, Indonésie, Iran, Irak, Irlande, Israël, Italie, Jamaïque, Japon, Jordanie, Kazakhstan, Kenya, Kiribati, Corée, Koweït, Lettonie, Liban, Lesotho, Libéria, Libye, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Macao, Madagascar, Malawi, Malaisie, Maldives, Mali, Malte, Îles Marshall, Mauritanie, Maurice, Mexique , Moldavie, Monaco, Mongolie, Maroc, Mozambique, Myanmar, Namibie, Népal, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Nicaragua, Niger, Nigéria, Norvège, Emirats arabes unis, Oman, Pakistan, Palaos, Panama, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Paraguay, Pérou, Philippines, Pologne, Portugal, Porto Rico, Qatar, Roumanie, Russie, Rwanda, Salvador, Samoa, San Marin, Arabie saoudite, Sénégal, Serbie-et-Monténégro, Seychelles, Sierra Leone, Singapour, Slovaquie, Slovénie, Somalie, Afrique du Sud, Espagne, Sri Lanka, Soudan, Suriname, Swaziland, Suède, Suisse, Taiwan, Tadjikistan, Tanzanie, Togo, Tunisie, Turkménistan, Turquie, Ouganda, Ukraine, États-Unis, Uruguay, Ouzbékistan, Venezuela, Viet Nam, Yémen, Zambie, Zimbabwe, et quelques autres.
Quelles sont exactement vos fonctions ? Vous rédigez des articles mensuels sur le marché et des analyses ponctuelles, pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet ? Avez-vous des thèmes de prédilection ?
Nous n’avons pas de cadre de travail rigide pour l’instant ; je parle de tout ce qui attire mon attention. Bien sûr, mon travail m’impose certaines limites morales : je reçois de nombreuses informations que je dois traiter avec prudence. J’essaie donc de porter plutôt mon attention sur les tendances générales du marché, plutôt que sur les événements liés aux sociétés russes. Je me cantonne à présenter l’information de façon neutre et à communiquer mes réflexions d’observateur extérieur.
Du coup, mes enquêtes traitent généralement les questions que je juge utile d’approfondir. Le texte n’est pas une fin en soi : même si je suis à la recherche de documents à exploiter pour mes articles, en tentant de découvrir et d’analyser les informations à disposition, j’apprends beaucoup de choses nouvelles et utiles qui peuvent se révéler pratiques pour mon travail futur. Et si elles me sont utiles, elles peuvent aussi l’être pour d’autres.
J’adore aussi écrire des articles de » vulgarisation « , sur les fondements du marché du diamant, la technologie de production ou le travail du Kimberley Process. Aussi étrange que cela puisse paraître, ces articles se révèlent parfois utiles aussi bien pour des personnes étrangères à l’industrie du diamant qu’à d’autres qui y travaillent.
Qu’appréciez-vous particulièrement dans le secteur du diamant ?
Son caractère unique. Le marché du diamant ne ressemble à aucun autre marché de matière première que je connaisse. Vous ne trouverez pas deux pierres identiques, vous ne pouvez donc pas créer de marché boursier qui fixerait le prix mondial moyen de ce produit. Vous ne pouvez jamais établir le nombre exact de diamants qui seront extraits du minerai, ni même combien ils coûteront. À chaque fois, les cristaux auront des formes et des grosseurs différentes.
Et le concept même de ce marché est absolument unique. À strictement parler, un diamant n’est qu’un morceau de carbone cristallisé, qui ne vaut pas le prix auquel il sera vendu aux ménages. Il n’apporte pas de bénéfice tangible : ce n’est pas du métal, du carburant ou un agent chimique. Mais il est le vecteur d’une idée, d’un symbole. Quand un amoureux donne une bague en diamant à sa fiancée, il lui offre un peu plus qu’un simple morceau de roche et de métal, il lui témoigne son amour, sa gratitude et des sentiments profonds. Les bijoux se transmettant de génération en génération, ils sont aussi plus que de simples pierres précieuses, ils représentent une histoire de famille. Il s’agit d’un phénomène étonnant, qui me ravit à chaque fois. Étant donné que ce secteur est unique et qu’il n’obéit pas aux lois classiques du marché, il est très, très difficile à approfondir. C’est pourquoi je considère qu’il n’y aura jamais assez d’analyses ciblées en la matière.
Quels sont, selon vous, les enjeux immédiats et à venir dans l’industrie du diamant ?
Il me semble que le marché vit actuellement de grands changements dus à la mondialisation de l’économie. Pendant longtemps, les monopoles prenaient la forme de sociétés privées et fermées. Les informations sur leurs activités étaient très rares, ce qui leur permettait de réguler le marché et de fixer les prix. Il s’agit là d’un procédé habituel, voire utile pour l’industrie. Or, vu les conditions économiques actuelles, il ne peut pas perdurer.
Les contrats et les prix sont contrôlés par des autorités antitrust et même par les banques, qui vous prêtent de l’argent et vous imposent certaines obligations de divulgation. Plusieurs entreprises, de taille moyenne, ont été créées et se sont engagées dans l’extraction de diamants, puis ont été cotées à la bourse. Désormais, les investisseurs veulent comprendre cette activité en détails. Si ALROSA, le plus grand minier de diamants au monde en carats, entre sur le marché boursier, les exigences de divulgation deviendront encore plus strictes pour l’industrie.
La » crise de croissance » apparaît également clairement dans la structure de l’industrie du diamant. Le modèle de propriété change progressivement. Les Oppenheimer qui ont été à l’origine de cette industrie, la quittent. BHP et Rio veulent vendre leurs mines de diamants et ce sont les nouveaux miniers dont j’ai parlé qui achèteront probablement ces actifs. Nous vivons une époque où plusieurs nouveaux acteurs, qu’ils soient actionnaires ou investisseurs, cherchent à pénétrer sur l’industrie du diamant et cela peut avoir un impact sur les principes mêmes de l’activité.
Un autre sujet de réflexion intéressant, à mon avis, concerne la préservation de la valeur des diamants. Pour l’ancienne génération, le sujet ne faisait aucun doute. Aujourd’hui, nous rencontrons une nouvelle génération. Ces personnes ont grandi dans un environnement différent, à un autre rythme, avec des valeurs distinctes. Ce sont elles qui façonneront la demande des consommateurs dans les décennies à venir. Vont-elles traiter les diamants comme c’était le cas auparavant ?
La Russie n’est pas le meilleur marché pour l’étude de la demande de bijoux en diamants mais, néanmoins, je constate quelques changements dans l’esprit des jeunes. Quand j’étais à l’école, la plupart de mes copines rêvaient d’une belle bague sertie d’une grosse pierre. Aujourd’hui, la plupart de mes amies pensent qu’un tel cadeau est un fantômes du passé. Je me demande s’il existe une façon de changer le positionnement des diamants sur le marché.
Rough & Polished a-t-il des projets ou des objectifs de développement particuliers dont vous aimeriez nous parler ?
Pour Rough & Polished, il n’y a qu’un seul objectif de développement : devenir une source fiable d’information pour ceux qui travaillent dans l’industrie du diamant, ainsi que pour les consommateurs. Tous les projets engagés par Rough & Polished vont dans ce sens. L’un de ces projets est associé à notre chronique » Exclusive « , dans laquelle nous publions des entretiens. L’idée est de créer une plate-forme étendue à travers laquelle pourront s’exprimer tous ceux qui travaillent dans l’industrie du diamant. Cette chronique s’est peu à peu transformée en une sorte de club international, au sein duquel Rough & Polished essaie de laisser chacun s’exprimer sur les problèmes les plus brûlants de l’industrie.
Un autre projet est actuellement en cours de développement en coopération avec l’African News Center (http://www.afrinewscentre.com