Les diamants de synthèse vont-ils supplanter les diamants naturels ?

Marianne Riou

L’actualité a remis au goût du jour un débat «de taille» : quid des diamants synthétiques ? Pourront-ils un jour suppléer aux diamants naturels et compenser une offre en passe de se tarir d’ici 20 ans ? Arrêt sur image.
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La mise en circulation d’un lot de diamant de synthèse non déclarés, attribué dans un premier temps à l’entreprise américaine Gemesis (qui s’en est défendu ! lire l’article Gemesis : ce n’est pas nous… ), a récemment fait débat dans le Landerneau des diamantaires. Fait d’actualité qui aura au moins eu le mérite de mettre sur le devant de la scène une question clé : que penser des diamants de synthèse ? Quelle sera leur place dans un avenir pas si lointain ?

100 ans de recherche pour rivaliser avec la nature

Conçu en laboratoire selon divers procédés chimiques, le diamant de culture, comme on l’appelle aussi parfois (ce n’est toutefois pas le terme officiel reconnu en France N.D.L.R.), a d’abord été destiné, en raison de sa petite taille – moins de 1 carat -, au domaine de l’industrie (forage, polissage, etc.), avant de faire son entrée en joaillerie.

Deux techniques essentiellement permettent de créer des diamants « synthétiques » (terme officiel, par décret1) dont la structure s’avère quasi identique à celle des diamants naturels. La technique HPHT, soit haute-pression haute-température (high pression high temperature), qui reproduit, à l’aide d’un appareil appelé « Diamond Press », le phénomène naturel de cristallisation du carbone provoquant la formation des diamants et sert aussi à améliorer la teinte et l’éclat des diamants de couleur. Le carbone est ainsi soumis à des températures avoisinant les 1300/1600 °C et des pressions de 50 000 à 65 000 kg/cm2 environ (procédé de synthèse des pierres brutes comme taillées ; le traitement appliqué à la couleur s’effectue à des températures et pressions légèrement différentes.)
La technique par CVDchemical vapor deposition à savoir dépôt par vapeur chimique – est également utilisée, depuis 2003 environ, pour réaliser des diamants synthétiques. Le traitement se fait cette fois à basse température, produisant, par dépôt chimique en phase vapeur sur la base d’un substrat, de minces films de diamant. Les diamants ainsi obtenus sont encore plus purs que ceux synthétisés avec la méthode HPHT et difficilement différenciables des « vrais ».

Si les premières tentatives remontent à la fin du XIXème siècle, on attribue les premières synthèses réussies aux années cinquante, en Suède et aux USA. Un communiqué de presse de la compagnie américaine General Electric annonce ainsi, en 1955, le 15 février exactement, que ses chercheurs sont arrivés à réaliser « des diamants conçus par la main de l’homme, ce qui est le résultat de près de 125 ans d’efforts pour reproduire la substance la plus dure et la plus glamour produite par la nature. »2  De Beers aurait commencé à produire, à la même époque, des diamants de synthèse destinés à l’industrie.

C’est toujours à General Electric, en 1971, que le GIA (Gemological Institute of America) reconnaît la prouesse d’avoir conçu le premier diamant de synthèse de qualité gemme. Les années quatre-vingt dix marquent ainsi l’entrée, sur le marché de la joaillerie, de diamants synthétiques de qualité gemme, de couleur d’abord – jaunes essentiellement – et incolores aujourd’hui. Même s’ils restent minoritaires, leur nombre sur le marché tend à s’accroître…

Entre autres entreprises commercialisant à ce jour des diamants synthétiques qualité joaillerie3, on peut citer Gemesis (diamants de type IIa ; de 0,50 à 1,50 carat pour les diamants incolores par exemple…) et Apollo Diamonds parmi les plus connues.

Deux précautions valent mieux qu’une

Les techniques ayant largement progressé au fil des années, la qualité de ces diamants de synthèse ne fait plus l’ombre d’un doute, ils sont confondants de naturel ! Pour éviter toute fraude cependant et qu’ils ne soient vendus en lieu et place de gemmes issues des mines, ils doivent être déclarés « synthétiques » par les laboratoires certifiés type IGI (International Gemmological Institute), GIA, HRD (Hoge Raad voor Diamant), etc. Seuls ces derniers, à l’aide de méthodes éprouvées en laboratoires et ayant fait l’objet de recherches poussées, sont à même de différencier les diamants naturels des synthétiques via d’infimes particularités (inclusions, agrégation de l’azote, forme de croissance, etc.)4. Ils délivrent ensuite un certificat, a Synthetic Diamond Grading Report, différent de celui attribué aux diamants naturels et attestant qu’il s’agit bien d’un diamant « synthétique ». Par mesure de précaution, la mention « laboratory-grown » est également inscrite au laser, accolée au numéro d’identification figurant sur le rondiste. Le risque ? Que leur petite taille ne leur permette d’échapper aux lots de diamants envoyés  aux laboratoires pour certification.

Des concurrents « de valeur »

Argument de poids qui viserait à faire des diamants de synthèse des concurrents des diamants naturels : les prix beaucoup moins élevés auxquels ils seraient commercialisés pour l’instant (de 20 % à 80 % moins chers selon les sources ! Le manque de transparence sur le prix des diamants ne facilitant pas la comparaison…), quoique de meilleure qualité pour certains néanmoins, et la pénurie possible de diamants naturels d’ici deux décennies.

Ceci étant dit, si le diamant devient un produit réalisable sur commande en conservant sa qualité, il perdrait également ce caractère de rareté, si cher à ses adeptes comme à l’industrie du diamant et qui en fait tout le sel. Sans parler là encore de l’impact sur son prix de vente et de son statut de produit « de luxe ». Mais peut-être sommes-nous juste à l’aube d’une nouvelle ère dans l’industrie du diamant, où deux marchés d’envergure, l’un pour les diamants naturels, l’autre pour les diamants de synthèse, pourraient coexister sans se porter tort ?

Source Rubel & Menasche

À lire sur ce site également :
Une épine dans le pied
Crétins et bas de plafond
Centaines de diamants de laboratoire non déclarés

1. Décret no 2002-65 du 14 janvier 2002 relatif au commerce des pierres gemmes et des perles. Extrait : « Art. 4. – Les qualificatifs suivants complètent respectivement la dénomination des matières et produits mentionnés ci-dessous : […]
– « synthétique » pour les pierres qui sont des produits cristallisés ou recristallisés dont la fabrication provoquée totalement ou partiellement par l’homme a été obtenue par divers procédés, quels qu’ils soient, et dont les propriétés physiques, chimiques et la structure cristalline correspondent pour l’essentiel à celles des pierres naturelles qu’elles copient ; […]
L’emploi des termes : « élevé », « cultivé », « de culture », « vrai », « précieux », « fin », « véritable », « naturel » est interdit pour désigner les produits énumérés au présent article. »
2. “Man-made diamonds, the climax to a 125-year effort to duplicate nature’s hardest and most glamorous substance, were displayed here today.” (Lire le rapport sur le site de la General Electric.) Une équipe suédoise de l’entreprise Allmanna Svenska Elektriska Aktiebolaget les aurait précédés dès 1953 mais n’aurait pas communiqué sur le sujet.
3. Pour les diamants de qualité industrielle, entre autres : Diamonds innovation, Changsha 3 Better Ultra-hard Materials Co.Ltd, etc.
4. La De Beers aurait développé des méthodes d’analyse permettant de détecter les diamants de synthèse de qualité gemme. De là à pouvoir les réaliser, il n’y a sans doute qu’un pas…