Si ça ressemble à un diamant et que ça brille comme un diamant, c’est que c’est un diamant. Voilà, du moins, le point de vue du consommateur. Les discussions de la semaine dernière sur les pierres synthétiques non déclarées qui ont infiltré le marché et sur les tentatives au World Diamond Council (WDC) d’élargir la définition des diamants du conflit ont à juste titre fait valoir le contraire.
Que l’industrie le veuille ou non, les consommateurs d’aujourd’hui ont, en plus des 4C, beaucoup de questions à se poser lorsqu’ils achètent un diamant. Le diamant est-il naturel ou synthétique? Son extraction a-t-elle été éthique ? A-t-il été certifié par le Kimberley Process (KP) ? Et est-ce suffisant pour garantir qu’il n’est pas issu d’un conflit ?[:]
Ces deux sujets montrent l’importance de la transparence portant sur la provenance du diamant et son suivi tout au long de la chaîne d’approvisionnement. En fin de compte, tous deux auront une incidence sur la confiance des consommateurs s’ils ne sont pas traités de façon appropriée.
L’International Gemological Institute (IGI) a émis une alerte commerciale cette semaine, des centaines de diamants synthétiques CVD non déclarés ayant été découverts dans son laboratoire d’Anvers. L’un des présidents-directeurs généraux de l’IGI, Roland Lorié, a déclaré à Rapaport News que la société admettait l’impact que la nouvelle pourrait avoir sur la confiance des consommateurs, d’où sa décision de rendre l’affaire publique. Fait encourageant, le marché n’a pas tardé à s’exprimer.
« Notre structure ne permet pas que nous tolérions une utilisation abusive de notre réputation », a déclaré Avi Paz, président de la World Federation of Diamond Bourses (WFDB). « Ces événements récents montrent qu’il est essentiel d’acheter à des sources dignes de confiance. L’ensemble de notre secteur doit rester totalement transparent et les consommateurs doivent obtenir, lors de leurs achats, un certificat complet décrivant les pierres choisies ».
Il ne faut pas non plus oublier que les diamants synthétiques sont des produits légitimes, lorsqu’ils sont déclarés en tant que tels. Tout comme les diamants naturels sont envoyés à des laboratoires pour classement et certification, les sociétés productrices de pierres synthétiques collaborent avec différents laboratoires, l’IGI compris, pour déterminer la qualité de leurs pierres.
Ils viennent donc concurrencer directement les diamants naturels. Du fait des progrès technologiques, il est de plus en plus difficile de faire la différence entre les deux ; la concurrence des produits synthétiques pourrait éloigner les consommateurs des diamants naturels et en limiter les prix.
L’affaire de l’IGI est révélatrice de cette évolution. Roland Lorié a fait remarquer que le négociant qui a présenté les marchandises au laboratoire d’Anvers de l’IGI ne savait pas qu’il s’agissait de pierres synthétiques et qu’il les avait achetées au prix du diamant naturel. Roland Lorié a expliqué que les marchandises comportaient des inclusions et que seul le matériel sophistiqué des laboratoires pouvait détecter les pierres synthétiques CVD.
Qu’advient-il alors de la relation commerciale entre diamantaire et consommateur ? Non seulement le marché se doit d’insister sur les déclarations de transparence obligatoires, mais il faut également éduquer les consommateurs pour qu’ils se procurent une déclaration complète de leurs achats. L’industrie de la joaillerie se concentre principalement sur les trois D (détection, déclaration et documentation). Le non-respect de l’un de ces aspects doit être considéré comme une fraude et jugé contraire à l’éthique.
Les membres de l’industrie du diamant doivent admettre que leur produit gagnera en qualité s’ils se comportent en citoyens responsables au plan professionnel (à savoir qu’ils insistent sur une déclaration de transparence).
Il en est de même pour ce qui est des diamants du conflit. Or, même si le marché est en mesure de répondre efficacement à la question du synthétique, on ne peut pas s’empêcher de penser qu’il ne traite pas le problème des diamants du conflit.
Dans un communiqué faisant suite à sa réunion annuelle à Vicence, en Italie, le WDC a proposé que la définition des diamants du conflit aborde « la violence liée aux diamants dans les régions de production et d’échange de brut ». Cela viendrait prolonger la définition actuelle, limitée aux pierres qui financent les mouvements rebelles opposés aux gouvernements légitimes.
Reste à savoir si la résolution du WDC sera à la hauteur des louanges dont elle a fait l’objet. Pour l’instant, c’est une simple suggestion. En réalité, la probabilité que la résolution, qui sera proposée par Gillian Milovanovic, la présidente américaine du KP, soit adoptée est minime. Le système du consensus au KP est difficile à appliquer et, sans capacité de voter, le WDC devra faire pression pour que les gouvernements concernés par ce commerce s’engagent dans la démarche. Des bruits indiquent déjà que certains pays s’y opposeraient. La dure réalité est qu’un certain nombre de gouvernements du KP n’ont aucun intérêt à modifier la définition des diamants du conflit.
Ainsi, l’énoncé, qui reprend vaguement la proposition de Gillian Milovanovic, ne comportait pas le terme « droits de l’homme ». Il est plutôt implicite, comme l’a suggéré la présidente du KP à Rapaport News, espérant qu’un texte moins agressif permette de faire avancer les discussions.
L’industrie ne devrait pas se payer le luxe d’établir ce compromis. Le fait que le WDC ne vote pas au KP pourrait lui permettre d’adopter une position plus ferme. Dès lors, l’organisation ne devrait pas s’aligner sur le KP ni le présenter comme la solution au problème des droits de l’homme liés aux diamants.
En 2010, Rapaport Group a admis ce fait et défini un diamant du conflit comme « un diamant provenant d’une mine figurant dans l’une des situations suivantes ou profitant à l’une des situations suivantes : guerre civile, mouvement rebelle illégitime, régime oppressif ou violation de la norme Rapaport Minimum Human Rights Standard. Un diamant du conflit est également un diamant extrait, taillé ou poli dans des conditions de travail dangereuses ou injustes ».
En effet, l’absence de termes forts évoquant les droits de l’homme et l’incapacité du WDC à influencer le débat montrent qu’il n’est pas en mesure d’assurer une pratique professionnelle responsable dans toute la filière du diamant.
Une vérification éthique et efficace est nécessaire ; or, ni le WDC, ni le KP ne sont à même de la garantir. Les consommateurs s’habituent à vérifier si leurs diamants sont naturels ou synthétiques ; ils vont désormais de plus en plus insister sur la qualité éthique de leur achat.
Ici aussi, l’industrie devra insister sur l’application des trois D pour une transparence complète. Serons-nous capables de garantir une détection, une déclaration et une documentation suffisantes pour toutes les questions éthiques qui se posent lors de l’achat d’un diamant ?
L’industrie doit reconnaître que ne pas déclarer des diamants synthétiques ou provenant de sources à l’éthique contestable équivaut à frauder. Moins le marché protège les consommateurs contre de tels achats, moins les acheteurs seront enclins à choisir ce produit. En garantissant déclaration et transparence, l’industrie peut sauvegarder la valeur de son produit naturel et veiller à l’authenticité du diamant.