ALROSA, le moins connu des deux géants des mines de diamants, commence à sortir de l’ombre et pourrait bien accentuer son influence sur l’industrie en 2013. Bien qu’il lui reste du chemin à parcourir, la société a amélioré la transparence de sa base de ressources, de sa liste de clients et de sa stratégie marketing.[:]
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Il n’y a pas si longtemps, la société livrait la majeure partie de sa production à la De Beers, l’autre géant, qui la distribuait, d’où des accusations de monopole contre les deux entités, qui ont mené à l’arrêt total du partenariat. ALROSA s’est également fortement appuyée sur le Gokhran, le dépositaire de l’État russe, pour préserver ses ventes lorsque la situation s’est compliquée.
Aujourd’hui, la société publie régulièrement des communiqués de presse et des mises à jour en russe et en anglais, annonce tous ses chiffres en ligne et dispose d’un site Web consacré à ses ventes. Elle renouvelle actuellement ses accords d’approvisionnement à long terme et en signe de nouveaux, le but étant de se forger une clientèle stable et volontaire. La société semble également vendre ses marchandises à un juste prix. De surcroît, des discussions encourageantes se sont engagées sur la privatisation de la participation majoritaire de l’État dans la société, ou du moins sur des parties de celle-ci.
En bref, bien qu’elle soit encore peu connue dans l’industrie, ALROSA fait figure, au début de l’année 2013, de société plus ouverte qui s’appuie sur sa position de force de façon apparemment responsable.
Naturellement, quelques craintes demeurent.
Le facteur Gokhran
Premièrement, ALROSA a accru son stock l’année dernière. Contrairement à la De Beers, qui a réduit sa production face à la faiblesse de la demande, ALROSA a maintenu ses niveaux de production et freiné son offre. Sa production sur les neuf premiers mois de 2012 a chuté de seulement 3 % en glissement annuel, à 25,4 millions de carats, tandis que les ventes en volume ont reculé de 21 %, à 22,3 millions de carats. La valeur des stocks de la société a donc augmenté de 32 %, à 27,75 milliards de roubles, soit environ 904 millions de dollars.
D’après des rapports et des estimations d’ALROSA (source : Rapaport News).
Depuis toujours, un minier qui augmente son stock génère de la nervosité dans une industrie sensible à cet aspect. Dans le cas d’ALROSA, les craintes sont exacerbées par la possibilité qu’elle a de se défaire de ses marchandises à Gokhran, un aspect bien plus inquiétant pour le marché. Espérons que cette option disparaîtra avec l’évolution de la stratégie à long terme d’ALROSA et la finalisation d’une éventuelle privatisation.
La situation inquiète. Pour la première fois depuis la crise de 2008-2009, ALROSA a vendu pour environ 90 millions de dollars de brut à Gokhran au deuxième trimestre 2012, complétés de 140 millions de dollars supplémentaires après cela. Andrey Polyakov, le responsable du département des relations publiques de la société, estime que le total des ventes à Gokhran atteindra 230 millions de dollars pour l’année. Au cours du marasme des années 2008-2009, la société lui avait cédé plus de 1 milliard de dollars.
Un organisme d’état qui vend à un autre organisme d’état, cela pose problème à divers niveaux, notamment celui des tarifs. Dinnur Galikhanov, analyste chez Aton Equity Research, a déclaré à Rapaport News que les prix suivent un barème déterminé par le ministère des Finances, en corrélation avec les tarifs appliqués sur le marché. Mieux vaut certainement que ce soit ALROSA qui conserve son stock que le gouvernement. En effet, plus il y aura de marchandises vendues aux clients sous contrat, moins ALROSA devrait avoir besoin du secours de Gokhran.
Une privatisation partielle
Mais alors, quelles sont les motivations des achats ou des ventes de Gokhran ? Les stocks de brut du gouvernement russe, estimés à 2 milliards de dollars, continuent à faire planer une menace teintée d’incertitude, et pourraient faire dérailler le marché à tout moment. Dinnur Galikhanov a qualifié de hautement improbable le risque qu’un tel volume de brut soit déversé sur le marché. Pourtant, sur un marché libre, moins la participation d’un gouvernement est importante, mieux c’est ; on espère d’ailleurs que les négociations visant à réduire la part de l’État dans ALROSA se concrétiseront en 2013.
Par ailleurs, Dinnur Galikhanov a expliqué dans une note publiée récemment que la réduction de la participation de l’État dans ALROSA peut, à long terme, mener à l’adoption de lois susceptibles de limiter la capacité de Gokhran à acheter directement à ALROSA, à moins que la société n’obtienne le droit de vendre au dépositaire dans un processus de tenders ouverts.
À l’heure actuelle, la Fédération de Russie détient 51 % d’ALROSA, la République de Yakoutie 32 % et les régions de Yakoutie en possèdent 8 %. Sur les 9 % restants, 5 % reviennent à des personnes morales et les derniers 4 % au personnel. Dinnur Galikhanov a souligné l’opacité qui règne sur les modes de mise en œuvre de la privatisation et la mesure dans laquelle le gouvernement se déferait de ses actions. Un premier projet de vente combinée de 7 % chacun, pour la Fédération de Russie et le gouvernement de Yakoutie, aurait rencontré une certaine résistance en Yakoutie, la république risquant de perdre des recettes issues de redevances.
Une tarification juste
Toutefois, la privatisation, si elle a lieu, ne devrait avoir que peu d’incidence sur les opérations d’ALROSA à court terme. La société continuera de séduire ses clients avec la promesse d’une offre cohérente à long terme et prévoit de vendre 70 % de ses marchandises par l’intermédiaire de futurs contrats, le reste étant partagé entre ses enchères et ses opérations au comptant.
ALROSA dispose des capacités et du volume d’approvisionnement nécessaires pour rivaliser avec la De Beers en matière de marketing et de production de brut. Espérons que cela réduira la forte influence du programme des fournisseurs privilégiés (SoC) et des prix de la De Beers. Le mode de fixation des prix de ces deux sociétés reste une inconnue importante. Toutefois, de plus en plus de sociétés se procurent de plus en plus de brut auprès d’ALROSA ; la rentabilité de la fabrication ou du négoce de son approvisionnement sur le marché secondaire devraient donc gagner en importance.
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Les négociants et fabricants de brut sont encouragés par la dernière série de ventes d’ALROSA. Ils ont rapporté une hausse des prix et signalé que toutes les marchandises avaient été acceptées. Lors des ventes précédentes, principalement au troisième trimestre, ses clients avaient en effet « reporté » des parties de leurs attributions. Des rapports anecdotiques communiqués plus tôt dans l’année ont fait état d’un brut onéreux chez ALROSA par rapport au marché, la société ayant déclaré que, durant les neuf premiers mois de 2012, le prix moyen de ses diamants de qualité avait augmenté de 4 % en glissement annuel, à 199 dollars/ct.
Dinnur Galikhanov remarque qu’ALROSA vend actuellement des volumes supérieurs, à des prix inférieurs, réduisant ainsi ses stocks pour le quatrième trimestre. D’après lui, les marchandises reportées devraient être acceptées au printemps, qu’il prétend être une période plus propice pour le marché du brut. D’ici là, les prix devraient aussi avoir augmenté.
Des contrats à long terme
Cette flexibilité des ventes est liée aux contrats d’approvisionnement à long terme d’ALROSA, que la société a recherchés après la crise de 2008, et dont beaucoup expirent fin 2012. Andrey Polyakov a affirmé que la nouvelle stratégie commerciale avait déjà prouvé son efficacité. « ALROSA affiche les meilleurs chiffres des ventes de son histoire, dus non seulement à la hausse des prix du brut, mais aussi à une approche plus responsable et mieux pensée du marketing en général », a-t-il ajouté.
Dans le cadre de cette stratégie, le mois dernier, la société a attiré des noms parmi les plus prestigieux de la filière. Il s’agit notamment de nouveaux clients comme Chow Tai Fook et Tiffany & Co., les deux principaux détaillants de bijoux assurant une fabrication en interne, et d’un renouvellement de contrat conclu cette semaine avec Rosy Blue, une centrale de fabrication basée en Inde. D’autres accords de ce type suivront sans aucun doute dans les mois à venir.
Andrey Polyakov remarque que ces contrats traduisent la diversification géographique de l’avenir que se fabrique ALROSA et la solidité financière de ses clients… en d’autres termes, le potentiel de stabilité de ses futures ventes.
Espérons qu’au final, sa liste de clients ne ressemblera pas trop à la liste des sightholders de la De Beers, bien que cela soit très probable. Comme la De Beers, ALROSA dispose des ressources nécessaires, et sans doute plus encore, pour fidéliser les fabricants les plus solides sur le long terme.
Des carats enfouis dans le sol
La société a récemment révélé, pour la première fois, qu’elle dispose d’une réserve et de ressources de l’ordre de 967,5 millions de carats, ce qui, selon Andrey Polyakov, permettrait de préserver le niveau actuel de production pour les 30 prochaines années. Les niveaux devraient légèrement reculer par rapport à l’an dernier, à 33,8 millions de carats pour 2012.
La société possède neuf mines en exploitation et dix dépôts alluviaux, en plus de sa participation dans la mine de Catoca en Angola ; au moins quatre de ses structures devraient parvenir à produire plus de 4 millions de carats pour l’année. Il s’agit de la cheminée de Nyurbinskaya, de la mine souterraine internationale, de la cheminée de Jubilee et de la cheminée d’Udachniy. Les mines souterraines d’Aikhal et de Mir produisent chacune environ 2 millions de carats par an et ses placers et résidus alluviaux ont donné ensemble environ 4 millions de carats.
Andrey Polyakov rapporte que les deux grandes opérations d’extension des mines souterraines d’ALROSA à Mir et Udachniy devraient stimuler les capacités des deux structures dans les années à venir, tandis que l’extraction des déchets au niveau de la cheminée de Botuobinskaya devrait permettre d’atteindre une production commerciale d’ici trois ans. En outre, sa filiale Severalmaz travaille à la mise en service de la mine Lomonosovski d’ici la fin de l’année 2014.
Au vu de toutes ces opérations, ALROSA prévoit d’augmenter sa production à 38 millions ou 40 millions de carats par an d’ici 2021, ses opérations souterraines représentant 60 % du total, contre 50 % actuellement.
De grands espoirs
ALROSA a été en mesure d’extraire une réserve enviable de diamants, avec des marges relativement décentes, un point sur lequel la société va probablement insister pour augmenter son potentiel d’investissement. Il n’y a aucune raison que les investisseurs ne mordent pas à l’hameçon. Espérons toutefois qu’ils aient une chance d’en profiter. Espérons aussi que son approvisionnement à long terme sera transparent et équitable et qu’il constituera une concurrence efficace en matière de marketing et de tarification face à la De Beers. Espérons enfin que la société se défera de ses liens avec Gokhran et qu’elle gérera ses stocks de manière responsable.
Les espoirs sont importants. Tout comme les enjeux. Et il semble rester beaucoup d’inconnues, sans parler des projets potentiels que la société n’a peut-être pas encore mis à l’ordre du jour. Elle pourrait ainsi considérer avec intérêt les activités de Forevermark de la De Beers, par exemple ; et une marque « Made in Russia » n’est plus tout à fait utopique. Pour l’instant, la société reste relativement isolée, en dépit de sa transparence nouvellement affichée. ALROSA continue de développer ses activités et sa stratégie marketing, et puisqu’elle semble prête à apparaître plus influente sur le marché, nous assisterons très certainement à de nouvelles révélations.
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